lundi 21 septembre 2020

2b) Situation actuelle de la dialectique: de la domination réelle à la domination absolue du capitalisme (suite)

 Liberté bourgeoise, liberté populaire
Reste qu'il serait réducteur de ne voir dans les zones urbaines reconfigurées pour la circulation qu'un anéantissement progressif de la valeur d'usage de la ville. Ce concept se décline sociologiquement de façon très différente suivant les classes sociales. Il y a ce qu'on appellera la valeur d'usage bourgeoise de la ville et sa valeur d'usage populaire dont chacune fait fond sur un concept très différent de la liberté. Le Moyen Age allemand avait formé le proverbe pour dire que "l'air de la ville rend libre". 

Or, on peut l'entendre en deux sens opposés, soit individuel, soit collectif. Au premier sens, la liberté que peut garantir la ville est celle rendue possible par l'anonymat dans lequel on arrive facilement à baigner. Par opposition, les communautés villageoises avaient bien quelque chose d'étouffant car on ne pouvait jamais échapper au regard inquisiteur des autres dans les moindres faits et gestes de sa vie sociale qui étaient aussitôt répercutés quand on avait la mauvaise idée de transgresser les règles coutumières. La ville, par l'anonymat qu'elle peut garantir, permet de passer facilement du qu'en-dira-t-on au quant-à-soi, et plus elle sera étendue, mieux cette liberté pourra s'affirmer. C'est la liberté au sens bourgeois du terme, celle qui permet de vivre séparée de la communauté et de mener ses affaires sans avoir à craindre d'être épié en permanence. "Dans la foule personne ne vous connait" (cité par E. Weber, La fin des terroirs, p. 344), comme l'invoquaient parfois les paysans qui émigraient vers les villes pour vanter ses avantages. La contre-partie de cette liberté individuelle, c'est que lorsqu'on a à subir des rapports d'exploitation et de domination, le paysan émigré pourra se retrouver livré à lui-même et impuissant pour y faire face, dans des proportions peut-être même encore plus importantes que celles qui avaient cours dans la vie rurale. La liberté ouvrière s'est donc développée d'une toute autre façon, au sens d'une liberté collective que rendait possible l'intense vie sociale du quartier. De cet autre point de vue, un des autres grands attraits de la ville résidait, pour la paysannerie qui commençait à s'y installer en nombre à partir de la fin du XIXème siècle, dans l'animation  qu'on y trouvait contrastant avec la monotonie de la vie du village. On peut dire ainsi qu'elle était à cheval, d'une certaine façon, et hésitante entre la valeur bourgeoise ou populaire qu'offrait la ville, Et c'est un facteur qui pousse encore aujourd'hui, s'ajoutant à l'impératif de trouver du travail, beaucoup de jeunes des milieux ruraux à y affluer sans bien prendre la mesure de ce que représente désormais une conurbation. 

Celle-ci constitue donc le plein accomplissement de la valeur d'usage de la ville au sens bourgeois du terme ce qui signifie aussi que c'est le mode de vie de la classe dominante qui devient massivement le mode de vie dominant, se diffusant jusque dans les couches inférieures de la société dont tout l'intérêt serait pourtant de pouvoir en sortir pour retrouver une forme de liberté collective, c'est-à-dire, faire valoir la valeur d'usage de la ville au sens populaire. La conurbation réalise ainsi l'idéal de vie bourgeois de l'individu vivant séparé de la société, replié sur sa sphère d'intérêts privés. C'est par ce biais, que l'ensemble des autres classes sociales intériorisent dans la banalité de leur vie quotidienne, jour après jour, le way of life, la façon de vivre de la classe dominante, qui renforce de cette façon son emprise sur la société. Le prototype de cet urbanisme nous ramène une fois encore au Grand Los Angeles à la conurbation de la région de Californie du Sud des années 1960 dont l'essentiel de l'espace se décomposait déjà en parties dévolues à la circulation et en terrains privatifs:"(Elle) n'est plus (...) qu'un vaste conglomérat de résidences privées, qui découpent en secteurs isolés des autoroutes à plusieurs voies, dont les bretelles de raccordement sont toujours engorgés (...) Cet extravagant réseau absorbe plus d'un tiers de l'étendue spatiale de Los Angeles et les rues, ronds-points, parkings et garages couvrent les deux-tiers de la surface du centre de l'agglomération..." (L. Mumford, La cité à travers l'histoire, p. 718) On aurait aimer afficher à l'entrée quelque part dans la zone diffuse et incertaine où commence à apparaître l'étalement de cette conurbation, l'écriteau: "Circulez, consommez ou rentrez chez vous!" En effet, doit-on préciser, il ne faudrait surtout pas oublier de passer par le centre commercial pour faire ses courses. Il constitue le troisième foyer principal de la vie des conurbations réalisant d'étranges formes de rassemblement où s'agglomèrent, de façon là aussi transitoire, les flux ininterrompus de population:"En même temps, les moments de réorganisation inachevée du tissu urbain se polarisent passagèrement autour des "usines de distribution" que sont les supermarkets géants édifiés en terrain nu, sur un socle de parking..." (G. Debord, La société du spectacle, 174) Reposons ici dans ces termes la question: qui a déjà noué une relation dans un supermarché? C'est certainement encore beaucoup plus problématique à envisager que dans une gare ou une rame de métro. Quiconque voudrait s'y essayer passerait, de toute manière, pour dérangé mentalement: ce n'est en aucun sens un espace aménagé à cette fin; seul y importe la relation aux biens qu'on désire acheter et absolument pas la relation aux autres: c'est la logique la plus élémentaire qui doit présider au bon fonctionnement d'une économie de marché. On peut, en réalité, légitiment  penser le centre commercial comme un espace de transit au carré, portant à son stade suprême l'isolement de l'individu dans la foule. 
Ainsi, pour résumer, espaces de circulation, terrains privatifs et centre commerciaux étalent leur royaume qu'ils se partagent goulûment en une sorte d'oligopole. Sont engloutis de cette façon les espaces intermédiaires qui avaient toujours constitués le coeur de la socialité des villes, ces lieux-tiers ou communs, ni tout à fait publics, ni tout à fait privés, comme la place de marché ou le parc. Et l'enjeu politique ici n'est pas mince car ce sont les seuls lieux dans lesquels peut s'exercer légalement un contre-pouvoir démocratique dans les institutions politiques d'une république comme celle des Etats-Unis (voir pour des développements, dans la partie 2c de ce sujet,  La (dé)socialisation par la bagnole, le premier article du Bill of Rights ajouté à la Constitution américaine). Les conurbations actuelles construites autour de l'impératif de circuler et de consommer, détruisant par là les conditions d'une liberté collective, pour réaliser pleinement le triomphe du mode de vie bourgeois pour tous, ne sont en fait que l'aboutissement d'une tendance que les grandes villes anglaises de la Révolution industrielle laissaient déjà bien entrevoir dès le milieu du XIXème siècle. C'est à travers le phénomène de la "cohue", cette masse informe de gens circulant en tout sens, que F. Engels le décrivait alors déjà bien:"Même si nous savons que cet isolement de l'individu, cet égoïsme borné sont partout le principe fondamental de la société actuelle, ils ne se manifestent nulle part avec une impudence, une assurance si totale que dans la cohue de la grande ville. La désagrégation de l'humanité en monades, dont chacune a un principe de vie particulier et une fin particulière, cette atomisation du monde est poussée ici à l'extrême. Il en résulte aussi que la guerre sociale, la guerre de tous contre tous est ici ouvertement déclarée." (F. Engels, La situation de la classe laborieuse en Angleterre, 1845) On objectera peut-être qu'on trouve bien encore à se regrouper dans les espaces urbains. C'est exact mais sous les formes rachitiques que prennent aujourd'hui le tribalisme et le communautarisme qui produisent une myriade de petits groupes juxtaposés les uns à côté des autres sans aucune possibilité de construire un espace commun et de constituer ainsi une unité qui ressemblerait à une cité au sens propre du terme. Il est tout à fait caractéristique de ce point de vue que le géant Facebook enjoint à chacun de "rejoindre sa tribu" sur son réseau. C'est la réplique parfaite des formes rudimentaires de socialité qu'on trouve dans les conurbations qui offrent alors le spectacle d'une guerre de tous contre tous par tribu ou communauté interposées. Une des caractéristiques fondamentales d'une vraie cité était au contraire de pouvoir entretenir des relations avec des personnes qui n'avaient pas nécessairement les mêmes goûts, les mêmes idées, les mêmes croyances ou le même statut social que soi. 

Sécurité ou sûreté
Au bout du compte, la contradiction fondamentale qui se posait pour les classes dirigeantes a pu être traitée pour le mieux; se trouve accomplie sous le régime des conurbations, de la plus heureuse des façons pour elles, la réunification entre l'impératif économique d'accumulation du capital exigeant le développement d'une civilisation urbaine rassemblant les travailleurs dans les grands centres de la production industrielle et l'impératif politique de gouvernabilité demandant la séparation entre ces mêmes travailleurs. C'est cet heureux mariage qui semblait de prime abord contre-nature à la fin du XVIIIème siècle, pendant la période révolutionnaire, qu'a finalement pu accomplir la nouvelle civilisation urbaine en rassemblant les individus tout en maintenant leur séparation. Tel est le mot d'ordre qui a été réalisé à la lettre:"L'intégration au système doit ressaisir les individus isolés en tant qu'individus isolés ensemble." (G. Debord, La société du spectacle, 172) C'est ce qu'accomplit à merveille la civilisation des conurbations: elle produit ainsi une nouvelle configuration sociologique qui fusionne en elle deux aspects qui avaient paru jusque là antinomiques et  qui exige, pour la penser au mieux, la création de concepts paradoxaux, comme celui de "foule solitaire" de D. Riesman, ou d'"ermite de masse" de G. Anders. Le concept de foule solitaire est particulièrement éclairant pour appréhender un phénomène qu'on constate dans la cohue des grandes villes, qui, autrement, paraitrait tout à fait déroutant, ce que la psychologie sociale a appelé "l'Effet spectateur", tel qu'il a été mis en évidence dans les années 1960. La loi générale qu'on peut en tirer est la suivante: en cas de situation de détresse d'une personne, qui peut être une agression, une urgence sanitaire, etc.,  plus il y a de monde autour de soi et moins on a de chance de pouvoir compter sur l'assistance de quelqu'un. 
Le phénomène a commencé à être étudié à partir d'un cas qui avait soulevé beaucoup de perplexité sur le moment, celui du meurtre aux Etats-Unis d'une jeune femme en pleine rue sans qu'aucun des nombreux passants présents n'interviennent; il a depuis été confirmé sur la base d'autres expériences, comme des cas de viol, de noyade ou de malaise. L'effet spectateur peut donc s'éclairer à la lumière du concept de foule solitaire, des gens plongés dans une foule, mis ensemble tout en étant maintenu dans la séparation. Et il faut bien se rendre compte que, aujourd'hui, avec des dispositifs comme les portables sur lesquels les gens passent souvent le plus clair de leur temps quand ils sont immergés dans la cohue des grandes villes, la séparation a franchi un nouveau seuil au point qu'on en vient à se demander si certains arriveraient encore, même vaguement, à soupçonner l'existence autour d'eux d'un individu ayant besoin d'une assistance. 
Il y a une implication politique cruciale à en tirer: dans un tel contexte psychosocial, les logiques sécuritaires vont devoir s'affirmer d'autant plus que les comportements assurant la sûreté s'estompent. C'est une distinction de première importance à comprendre: la sécurité n'est pas la sûreté. Si on reprend les textes fondateurs de la période révolutionnaire française entamée en 1789, on relèvera qu'ils ne parlent pas du droit à la sécurité, mais de celui devant garantir la sûreté, et ce n'est pas du tout la même chose. La sûreté signifiait fondamentalement la garantie pour tout citoyen de ne pas être inquiété par d'éventuels abus du pouvoir d'Etat. Elle sous-entend le développement d'une capacité à l'assistance mutuelle, situation dans laquelle chacun sait qu'il peut compter sur les autres s'il avait besoin d'être secouru. La logique sécuritaire est appelée à prendre toute son importance à partir du moment où les conditions pour garantir la sûreté de chacun ne sont plus assurées: se justifie alors le déploiement d'un appareil étatique spécialisé de forces de l'ordre pour garantir à chacun sa sécurité. Une société qui n'est plus en mesure d'assurer la sûreté des individus est donc fatalement conduite à développer, en lieu et place, des logiques de plus en plus sécuritaires via un imposant service de l'ordre entre les mains de l'Etat, donc, par la force des choses, à menacer la sûreté de chacun en devant conférer à cet Etat des pouvoirs de plus en plus imposants.
L'Effet spectateur conforte ainsi la pertinence du concept de Société du spectacle forgé par le courant philosophico-politique du situationnisme incarné par des penseurs comme G. Debord pour saisir les caractéristiques des sociétés industrielles modernes. On observe donc ici aussi la logique d'un rapport inversement proportionnel: moins la sûreté est garantie, plus la sécurité doit se renforcer, et inversement. Et il est d'autant plus important de toujours revenir à cette distinction fondamentale que les gouvernements amalgament les deux en prétendant invoquer les textes fondateurs de la Révolution française pour légitimer le renforcement des dispositifs sécuritaires. Que nenni! La déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, met en avant, parmi les quatre droits imprescriptibles et fondamentaux, textuellement le droit à la sûreté, qui n'était donc pas rien dans l'esprit des Pères fondateurs (les trois autres étant celui de la liberté, de la propriété et de la résistance à l'oppression). Si la sûreté se développe sur la base d'une liberté collective conforme à la valeur d'usage populaire de la ville, la sécurité, elle, découle fort logiquement de l'affirmation de sa valeur d'usage bourgeoise, la liberté individuelle garantie par l'anonymat au sein des foules.
Il est toutefois encore heureux de constater que certaines expériences ultérieures ont conduit à tempérer l'importance de l'Effet de spectateur: sous certaines conditions qui demanderaient à être examinées de près, on peut parfois encore compter sur l'assistance des gens (consulter, pour des précisions, l'article de Wikipedia). Il est bien entendu que si les logiques de sûreté avaient complètement disparu de nos sociétés, nous en serions à un point tel d'atomisation de la vie sociale que les conditions seraient déjà toutes réunies pour que s'affirme un pouvoir tout simplement totalitaire sur la société. Mais, il faut bien intégrer que c'est la direction que suivent des logiques sécuritaires sans le contrepoids qu'offre la garantie d'un certain niveau de sûreté, si nous n'y prenons garde. L'Effet spectateur n'en reste donc pas moins très prononcé, d'autant plus que les immenses conurbations produiront à pleine puissance leurs effets. Là où la sûreté est sans doute encore aujourd'hui la mieux garantie, c'est plutôt dans les zones rurales restées à l'écart, où sont encore réunies les conditions pour cultiver les formes traditionnelles d'entraide qu'on rencontre généralement dans les sociétés pré-industrielles.
 
L'ermite de masse à l'âge de la domination absolue
Considérons ce phénomène de foule solitaire encore sous un autre angle pour bien faire ressortir toute sa singularité. On apercevra alors que la création du type anthropologique de l'ermite de masse, au sein des conurbations, relève il faut bien l'admettre, d'une prouesse à saluer si on veut bien la contempler depuis l'espace céleste, dans la mesure où elle permet ce prodige d'accomplir, comme on l'avait laissé entendre plus haut, la renaissance de l'ancienne paysannerie au coeur des immenses espaces de la conurbation, sous la forme d'une nouvelle paysannerie high tech, bardée de gadgets électroniques, et réduite pourtant à un isolement et une impuissance peut-être même encore plus accentués, dans la mesure où on aurait bien du mal à apercevoir ce que pourrait être aujourd'hui l'équivalent des anciennes jacqueries du monde paysan par quoi il se soulevait à intervalles réguliers, fut-ce pour être impitoyablement matées:"C'est une nouvelle paysannerie factice qui est recréée par les conditions d'habitat et de contrôle spectaculaire dans l'actuel "territoire aménagée": l'éparpillement dans l'espace et la mentalité bornée, qui ont toujours empêché la paysannerie d'entreprendre une action indépendante et de s'affirmer comme puissance historique créatrice, redeviennent la caractéristique des producteurs - le mouvement d'un monde qu'ils fabriquent eux-mêmes restant aussi complètement hors de leur portée que l'était le rythme naturel des travaux pour la société agraire (...) quand cette paysannerie reparaît comme produit des conditions d'accroissement de la bureaucratisation étatique moderne, son apathie a dû être maintenant historiquement fabriquée et entretenue (...) Les "villes nouvelles" de la pseudo-paysannerie technologique inscrivent clairement dans le terrain la rupture avec le temps historique sur lequel elles sont bâties; leur devise peut être:"Ici même, il n'arrivera jamais rien, et rien n'y est jamais arrivé"." (G. Debord, La société du spectacle, 177) Il y a bien des spectacles organisés en permanence dans ces "villes nouvelles", mais suivant le cycle de la répétition du même, comme la vie paysanne de jadis épousait de façon monotone le rythme répétitif des saisons. Rien d'historique ne semble pouvoir survenir, comme un 14 juillet 1789. Et il ne faut pas se laisser berner par le mantra de l'innovation affichée partout: il n'est qu'une façon de signifier que tout doit changer pour que rien ne change, comme cela a été souvent signalé à juste titre par ce qui reste de pensée critique en ces temps post-historiques. C'est effectivement une rupture majeure qu'on observe dans ce qui avait constitué jusque là la matrice du temps historique depuis le néolithique, la civilisation urbaine comme scène de l'affrontement dynamique entre les systèmes de domination qui se concentraient en elle et les mouvements de conquête de la liberté qui pouvaient s'y former en contrepoint. Sous l'empire des conurbations, le pendule de l'histoire semble s'être arrêté, et on a là un élément de réponse à apporter à la question que se posaient D. Graeber et D. Wengrow de savoir pourquoi la civilisation urbaine semble s'être figée en des structures inégalitaires alors que toute l'histoire de l'humanité depuis au moins le paléolithique supérieur laisse penser à une oscillation périodique, si ce n'est progressive, entre structures égalitaire et inégalitaire (on renvoie ici à la fin de la partie 1b)
A ce point, le concept d'ermite de masse doit servir pour mieux éclairer la situation la plus actuelle qui tient dans les mesures dites de "distanciation sociale" quadrillant désormais tout l'espace public qui émanent des gouvernements en réponse à la menace de pandémie du covid 19. Mais, il apparaît clairement à stade des analyses conduites ici, que la dite "distanciation sociale" était en fait déjà accomplie bien avant que ne débute la crise du covid 19, et donc, que c'est là encore une façon tout à fait impropre de s'exprimer. Quand on prend le recul historique nécessaire, on voit que ces mesures s'inscrivent dans le prolongement directe de toute la tendance portée par les politiques publiques d'aménagement de l'espace social depuis la fin de la période révolutionnaire clôturant le XVIIIème siècle. La distanciation sociale était donc déjà actée depuis longtemps dans les conurbations sous la forme d'une distanciation intérieure:"Cette société qui supprime la distance géographique recueille intérieurement la distance..." (G. Debord, La société du spectacle, 167) La distanciation intérieure des individus les uns par rapport aux autres est déjà fort bien organisée aussi bien par l'urbanisme conçu en vue de la circulation des foules, des achats dans les centres commerciaux, que par les dispositifs de la société spectaculaire multipliant les écrans auxquels les cerveaux se retrouvent scotchés partout et tout le temps, du lever au coucher. Ces nouvelles mesures gouvernementales ne constituent donc en aucun cas une rupture relativement à tout ce qui a précédé, mais le prolonge simplement de la plus parfaite des manières: la distanciation sociale déjà accomplie se redouble désormais d'un impératif de distanciation physique faisant franchir au processus de distanciation un nouveau seuil. On peut se plaindre, à tort ou à raison, de ces mesures gouvernementales, mais il ne faudrait alors surtout pas oublier le contexte historique dans lequel elles s'inscrivent faute de quoi la critique tomberait terriblement court. C'est tout l'aménagement de l'espace social qui pose le problème de la distanciation des individus les uns par rapport aux autres. Une conclusion à en tirer touchant la détérioration de la langue indissociablement liée à celle de la pensée critique, c'est que l'expression de "distanciation sociale" relayée partout aujourd'hui pour parler des mesures prises par les pouvoirs publics montre simplement à quel point on n'arrive plus à désigner convenablement des choses qui devraient pourtant sauter aux yeux. 
Où nous en sommes rendus précisément aujourd'hui? Traiter cette question suppose de saisir la situation actuelle pour la situer à partir de cette transition qui fait passer de la domination réelle du capital, inaugurée par l'ère du machinisme avec le système de l'usine, à sa domination absolue qui correspond donc à cette phase ultime à partir de laquelle "le capitalisme (...) peut et doit maintenant refaire la totalité de l'espace comme son propre décor." (G. Debord, La société du spectacle, 169) La conurbation constitue un tel décor. La domination absolue du capitalisme correspond au niveau le plus général à l'autonomisation qui semble complète de la valeur d'échange, que Marx avait symbolisé par le schéma A-A' qui suit donc l'étape A-M-A'. Et il paraît s'agir effectivement là d'un aboutissement logique, comme le précisait G. Debord, si on parcourt toutes les étapes que le capitalisme moderne a traversé depuis ses origines, comme on les a exposé dans la partie précédente, en partant de sa domination accidentelle, pour passer à sa domination formelle, jusqu'à sa domination réelle: la domination absolue semblait devoir en découler logiquement comme sa phase ultime.
A ce dernier stade, l'argent semble avoir acquis la propriété miraculeuse de se multiplier par lui-même sans plus avoir à passer par la production marchande (prétention qui était pour Marx illusoire, faut-il le préciser, du même niveau que la croyance au miracle  accompli par Jésus quand il multipliait les petits pains, tel que la chose est relatée dans le Nouveau Testament. C'est la raison pour laquelle Marx employait le terme de capital fictif pour désigner ce mode d'accumulation) Ce qui montre de façon claire comme le jour que nous en sommes bien à une phase d'autonomisation complète de la valeur d'échange tient dans l'excroissance fantastique de l'économie spéculative dont l'objet est donc de spéculer à la hausse (pour acheter) ou à la baisse (pour vendre) sur l'évolution des prix. Pour bien se le représenter, voir à partir de 3'25" jusqu'à 4'10, dans le documentaire présentant la monnaie locale du Sol Violette à Toulouse, ce que peut représenter, rapportée à une journée de 24 heures, la part des transactions financières à ces fins spéculatives sur les marchés mondiaux et les miettes qui restent consacrés à l'économie productive:


Dans le cadre de cette économie spéculative débridée, il va donc falloir introduire la question de la spéculation qui a cours sur le marché de l'immobilier, à partir de laquelle, ce nouveau capitalisme financier s'empare de la totalité de l'espace pour planter son décor et être ainsi pleinement chez lui sur notre bonne vieille terre. Commençons par observer ceci: au stade de la domination seulement réelle, c'étaient encore des grands groupes industriels qui avaient dictés leur loi pour imposer la diffusion de la bagnole dans les centres urbains entraînant leur reconfiguration: on est là encore dans le cadre d'un capitalisme où prévaut le capital industriel. En passant à la domination absolue, c'est le capital financier qui affirme dorénavant sa mainmise sur l'espace pour le remodeler suivant son impératif de valorisation fictive. Il plante ainsi le décor d'un capitalisme dont la domination se veut désormais absolue, s'affirmant dans les moindres interstices de la vie quotidienne.
Le modèle de l'agglomération construite de A à Z suivant les impératifs de la valeur d'échange nous ramène, bien sûr, encore une fois au pays de l'avant-garde en la matière, les Etats-Unis. On le voit pour le mieux quand on retourne survoler une conurbation comme celle du Grand Los Angeles et on retrouverait le même format pour toutes les grandes agglomérations américaines; ce qui frappe tout de suite, dans la vidéo qu'on peut revisionner plus haut, ce sont les tracés en damiers constitués de petits rectangles qui se répètent à l'infini et c'est là quelque chose qui découle directement des exigences de la commercialisation des parcelles:"Pour l'homme d'affaires, le tracé idéal de la cité est celui qui peut le plus aisément se diviser en lots négociables. L'unité de base (...) sera (...) la parcelle de surface (...) dont, pour apprécier la valeur marchande, il suffira de mesurer la ligne frontale. On aura ainsi le plus souvent un rectangle d'assez grande profondeur et de front étroit, laissant entrer dans l'immeuble ou l'appartement un minimum d'air et de clarté" (L. Mumford, La cité à travers l'histoire, p. 614) Tout au contraire, dans les temps précapitalistes, on songeait à aménager l'espace habitable tenant d'abord compte de ce type de valeur d'usage qu'il devait offrir pour y vivre du mieux possible. On voit donc avec la plus grande clarté possible, sur ce modèle de l'urbanisme américain, la valeur d'échange soumettre à un processus d'indifférenciation l'espace qu'il modèle de façon purement abstraite à des fins de spéculation financière, pour transformer une quantité donnée d'argent en une quantité supérieure:"Un tracé purement formel ne se préoccupe ni de la direction habituelle des vents, ni de la délimitation des quartiers industriels, ni de la salubrité du terrain, ni d'aucun autre élément pouvant avoir son importance lors de l'utilisation d'un site urbain (...) Dans le quadrillage de la cité commerciale, aucune parcelle, aucun immeuble n'avait été conçu en fonction d'un usage défini; seule était prévue une utilisation intensive en rapport avec les besoins de l'expansion et la hausse des prix des terrains." (ibid., p. 616) Si cet urbanisme qui fait prévaloir l'abstraction de la valeur d'échange sur toute autre considération tenant à la valeur d'usage ressort de la façon la plus nette aux Etats-Unis, c'est avant tout parce que  le capitalisme américain n'a pas eu à hériter de villes qui avaient été construites sur des siècles en fonction de visées totalement différentes. Tout pouvait être fait à partir d'un terrain vierge, tenant compte simplement d'impératifs financiers. Il suffit de comparer ces tracés en damiers avec les formes sinueuses et arrondies héritées de la ville médiévale dans la vieille Europe pour mesurer la tâche autrement plus complexe qui sera celle des urbanistes de ce continent: soumettre à l'empire de la valeur d'échange pour le reconstruire un espace urbain qui avait été pensé et développé au fil des siècles suivant des considérations lui étant complètement étrangères. L'avantage qu'offrent les conurbations américaines est, d'un point de vue contemplatif, qu'on peut y observer dans toute sa pureté la mise en forme de l'espace résultant de l'abstraction de la valeur d'échange. Mais, aujourd'hui, même dans la vieille Europe, l'empire qu'étend le capital financier est devenu bien lisible et de loin: autrefois, la première chose qu'un visiteur qui se rendait à Francfort voyait se dresser était sa majestueuse cathédrale; aujourd'hui, le touriste remarquera en premier les deux grands phallus qui dominent la ville, la Commercbank et  la Banque centrale européenne.
C'est le décor de ce capitalisme de la domination absolue qu'il va s'agir pour finir de décrire au mieux en  notant qu'il ne s'agira pas de parler seulement de sa forme matérielle, mais aussi, de sa sociologie, les deux étant indissociables. En effet, cette phase de domination absolue est celle d'une recomposition sociologique accompagnant nécessairement le réaménagement de l'espace urbain à des fins de spéculation financière.

Recomposition sociologique du décor conurbain sous le régime de la domination absolue du capital: l'avènement du bobo et du touriste
Ce à quoi on a assisté dans toutes les grandes zones de la conurbation, c'est à une gentrification. Que faut-il entendre par là? Au niveau le plus apparent, c'est ce qu'on peut appeler de façon parlante "la boboïsation" de ces quartiers urbains qui avaient constitués autrefois les foyers à partir desquels les classes dangereuses de la société avaient pu sonner à intervalle régulier le tocsin d'insurrections populaires. Ils ont été très largement réaménagés pour devenir les lieux d'élection de ce qu'on appelle donc "les bobos", ces gens composant les classes moyennes-supérieures, diplômés à un haut niveau, ayant une idéologie qui les incline souvent à pencher vers une gauche bien pensante, se voulant antiraciste, ouverte au multiculturalisme, et ayant le portefeuille assez épais pour se payer des produits onéreux estampillés "bio", se dotant par la même occasion d'une bonne conscience écologique ne les empêchant pas à l'occasion de faire grimper en flèche leur bilan carbone en prenant régulièrement l'avion pour leurs destinations touristiques exotiques (pour fixer un ordre de grandeur un simple aller-retour Paris-New York en avion c'est 400 à 500 litres de pétrole, soit la quantité annuelle consommée en moyenne par un automobiliste). Ce qu'il reste du coeur historique de Paris, composé d'un électorat qui porte maintenant depuis des années à la municipalité des politiques s'affichant d'une gauche dite "socialiste" en fournit l'illustration exemplaire.
Comment les choses ont pu évoluer en ce sens suivant la spéculation qui joue sur le marché de l'immobilier? Deux facteurs clés sont à prendre en compte. Le premier suppose simplement d'intégrer le b-a-ba d'une économie de marché régi par le mécanisme offre-demande-prix. Une demande croissante en logements accompagnée d'une raréfaction de son offre entraînera une augmentation du prix de l'immobilier qui finira de le rendre inaccessible pour les classes populaires. Deux choses ont joué en ce sens. La première fait à nouveau voir un processus dialectique à l'oeuvre. J. Millar, dans son texte abordé dans la partie précédente, donnait bien à penser combien le regroupement des populations ouvrières dans les centres urbains pouvait constituer une menace pour les pouvoirs établis. Certes, mais franchi un certain seuil, cet afflux va entraîner une augmentation de la demande en logements et donc une augmentation de son prix, le phénomène s''étant particulièrement intensifié vers la fin du XIXème siècle quand les populations paysannes ont commencé à s'installer massivement dans les villes. On peut ainsi de donner un ordre de grandeur de l'élévation du prix de l'immobilier dans les centres urbains au fil des siècles:"Selon Avenel, la valeur de l'hectare de terrain de terrain était de 2 600 francs dans le Paris du XIIIème siècle; au XXème siècle, dans le même secteur le terrain valait 1 297 000 francs l'hectare." (ibid., p. 625-626) Ces chiffres sont cependant à relativiser car ils ne sont pas calculés en monnaie constante, tenant compte donc de la dévalorisation de l'unité monétaire au cours du temps. Mais, même en l'intégrant, ils donnent malgré tout une bonne idée de l'enchérissement de l'immobilier qui aura pour conséquence de chasser de plus en plus les pauvres des quartiers centraux pour que s'y installent les classes aisées. Et c'est bien ce terrain là dont prend possession le capital financier, déjà au XIXème siècle à l'époque de Balzac, pour en en retirer des marges de profit sans cesse croissantes:"Le principal des avoirs des banques d'épargne et des compagnies d'assurances se composait de terrains et de propriétés immobilières, situés dans la métropole, en plus value constante." (ibid., p. 748) Pour bien prendre la mesure de l'empire que le capital financier s'est constitué sur cette base, il faut considérer ce que représente aujourd'hui la puissance financière d'une grande banque d'affaires: pour ne prendre qu'un exemple, selon une estimation de l'économiste G. Giraud, le bilan en actifs de la banque BNP Paribas est aujourd'hui de l'ordre de 2 000 mille milliards d'euros, soit d'avantage que le PIB de la France. Dans ces conditions, il se retrouve en mesure d'imposer ses diktats au pouvoir politique qui n'est finalement plus que son laquais, et donc tout particulièrement pour ce qui touche le coeur de ses actifs, l'immobilier dont il s'agira d'entretenir artificiellement la bulle spéculative auquel il donne lieu. Un cas d'école est celui qu'offrait aux Etats-Unis un gouvernement démocrate, qu'on présente habituellement comme le modèle d'une bonne politique de gauche au XXème siècle:"en même temps que le gouvernement Roosevelt mettait en chantier, en 1933, un programme de démolition des taudis et de construction suburbaine, il créait un organisme chargé d'assurer le maintien des garanties hypothécaires et des taux d'intérêt. Cette mesure empêchait la baisse de la valeur de terrains surévalués, que la collectivité aurait eu tout avantage à voir s'aligner sur l'indice général des prix." (ibid., p. 748) Par la même occasion, quand F. Hollande, d'une stature quand même assez microbienne relativement à F. D. Roosevelt, déclarait, pour lancer sur de bons rails publicitaires son mandat présidentiel en 2012, que son ennemi est la finance, on voit ici combien il faut le prendre simplement comme un sketch qu'on pourra trouver plus ou moins drôle suivant les goûts et l'humeur du moment. Et l'enchérissement de l'immobilier prendra une nouvelle ampleur quand les centres urbains auront fini d'être dévorés par les espaces dévolus aux véhicules, processus culminant donc avec l'avènement de la civilisation de la bagnole à partir des années 1950: face au prix exorbitant que va atteindre le mètre carré, les classes pauvres n'auront donc d'autre choix que de migrer massivement vers la périphérie de plus en plus lointaine des conurbations. 
Mais il y a un autre facteur à prendre en compte pour encore mieux comprendre la façon dont le capital financier remodèle l'espace urbain pour installer son décor. Pour le faire ressortir, il faut traiter le phénomène de la gentrification en introduisant la notion de "différentiel de rente foncière" forgée par N. Smith, du courant des sciences sociales de la géographie radicale, dont l'objet est de montrer combien l'aménagement de l'espace est bien la façon pour le capitalisme de planter son propre décor au stade de sa domination absolue. Qu'est-ce donc que le différentiel de rente foncière? Rappelons d'abord ce principe très général: la logique élémentaire du capitalisme veut que ceux qui ont un important capital financier à investir ne mettront leurs billes que dans des placements qui leur garantit la marge de profit la plus importante et la plus sûre possible. Ce principe trouve une de ses applications dans l'exploitation de l'espace urbain: il s'agira de cibler des quartiers pauvres, faisant l'objet d'une détérioration de leurs habitats faute d'être suffisamment entretenus; cette dégradation entraînera alors mécaniquement la dévalorisation de l'immobilier et donc une baisse de son prix. C'est à partir de là que ces quartiers vont pouvoir offrir des perspectives alléchantes pour les gros investisseurs financiers qui pourront racheter l'immobilier à bas prix dans l'optique de le réaménager confortablement à destination de toutes autres catégories socio-professionnelles, et comme cible privilégiée, nos fameux bobos: la plus value ainsi réalisée est suffisamment juteuse pour aiguiser les appétits. C'est donc ce que N. Smith appelle "le différentiel de rente foncière".
Maintenant, il reste à préciser, pour comprendre pleinement le processus, que n'importe quelle zone urbaine ne se prête pas systématiquement à des opérations de ce type. Certaines conditions sont à réunir qui tiennent à leur situation géographique, et, en premier lieu, la proximité d'importantes infrastructures comme celles des transports: gares de tgv, aéroports, etc. C'est ce que le géographe D. Harvey, appelle le "spatial fix": il faut le comprendre par distinction avec la mobilité du capital financier qu'apporte l'investisseur: vous pouvez transférer le plus facilement du monde une quantité d'argent d'un point à un autre du globe par simple manipulation électronique aujourd'hui; un aéroport, lui, n'est pas destiné à se déplacer: une fois qu'il est là, il ne bouge plus et garantit à l'investisseur un appui fixe sur lequel il pourra à coup sûr compter. C'est là où les choses deviennent encore plus intéressantes en montrant comment se réalise  de cette façon la parfaite complémentarité entre un Etat fort et l'ordre des marchés financiers du capitalisme de la domination absolue, égratignant sérieusement, au passage, le mythe qui appelle les libéraux à répéter comme un mantra qu'il faut que l'Etat maigrisse pour faire place nette à leur libre jeu. Oui, sauf que tout dépend de quel Etat on parle. Celui qui lancerait des politiques ambitieuses pour entretenir le logement social doit bien sûr subir une sérieuse cure d'amincissement. Celui dont a besoin le capital financier pour disposer des indispensables et imposantes infrastructures en vue de faire valoir le différentiel de rente foncière devra en contrepartie prendre tout son poids. Prenons un exemple bien précis qui sera toujours plus parlant. On pourrait en emprunter aux quatre coins du monde, tant le phénomène est aujourd'hui mondialisé, comme cet ancien quartier de Berlin, jadis peuplé de squatteurs, la rue d'Aubagne à Marseille, ou encore les grands centres urbains de villes américaines qui ont tous ou sont entrain de subir à pleine puissance le phénomène de gentrification. On s'attardera sur un cas qui a ceci d'intéressant qu'étant situé dans notre beau pays, il permet d'ores et déjà d'anticiper la politique d'aménagement du Grand Paris de la conurbation de la région d'île de France sur une zone bien précise du département de la Seine Saint Denis. C'était typiquement autrefois un foyer de la vie urbaine des classes dangereuses, qui faisait partie de ce qu'on appelait "la ceinture rouge de Paris", peuplée de ces classes ouvrières qui affichaient fièrement la bannière d'un véritable socialisme, n'ayant évidement rien à voir avec celui en carton-pâte que la Mairie de Paris, affiche dans le décor conurbain. Dans ce département de la couronne parisienne, il y a en particulier une zone bien précise, le quartier de la Plaine Saulnier, qui, de prime abord, semble être le plus pourri qu'on puisse imaginer, et dans lequel, à part des prolétaires du plus bas étage, des squatteurs, des sans-papiers ou des gens du voyage, on ne voit pas grand monde qui voudrait s'y installer, tel qu'il est en l'état: une zone coincée entre les autoroutes de l'A 1 et de l'A 86, entrecoupées de voies de chemin de fer avec une rue servant de bretelle autoroutière, le tout sur un site ultra-pollué, historiquement industrialisé, pour reprendre un terme plus présentable, bref, la caricature de l'enfer conurbain actuel. Et pourtant, c'est une occasion en or pour les investisseurs qui annonce un sacré différentiel de rente foncière en perspective. Comment est possible une telle transsubstantation, la forme moderne de celle du plomb en or des alchimistes médiévaux? Il se trouve que sur ce site est prévu pour les Jeux Olympiques de 2024, la construction du centre aquatique où se dérouleront les épreuves de natation qui nécessite d'engager des travaux de réhabilitation qui vont attirer comme des mouches sur une crotte les investisseurs. Les énormes travaux de dépollution et de construction d'infrastructures sont évidemment pris en charge par la puissance publique mettant en "partenariat" l'Etat avec le conglomérat des municipalités de la conurbation de la région parisienne, combiné, dans un tout-puissant triumvirat, avec le Comité Olympique. Dans un cadre comme celui-ci, un investisseur sait qu'il peut compter les yeux fermés sur la puissance publique pour lui garantir le spatial fix de D. Harvey, et prévoir, dans ce cas précis, par exemple, l'installation de bureaux pour les entreprises. Très généralement, on aura compris à partir de là que des méga-événements comme les JO, la Coupe du monde de football, les Expositions universelles, etc., sont des occasions en or pour impulser les dynamiques du différentiel de rente foncière. Et les bobos seront rassurés, car les rénovations se feront de façon "écolo" pour promouvoir "la ville durable", alors même que, avec le flux de circulation en tout sens appelé à s'amplifier encore, un site comme celui de la Plaine Saulnier restera un des plus pollués de France: c'est un cas parmi tant d'autres de "greenwashing" (laver vert) d'un capitalisme de la domination totale qui se vend comme "écolo": on repeint dans cette séduisante couleur le polluant à grand renfort de marketing pour "la croissante verte", un terme aussi sensé que pourrait l'être celui de "développement décroissant."
Un autre aspect intéressant qui ressort de cette stratégie pour faire valoir le différentiel de rente foncière consiste donc à garantir le Risque 0 aux investisseurs avec le pognon du contribuable, via l'installation du spatial fix: tel est le monde merveilleux du Monopoly capitaliste de la domination absolue, dit, par un doux euphémisme, "néolibéral" . Celui amené à prendre concrètement des risques dans la vie, c'est le prolétaire, menacé à tout moment de licenciement, au nom de la "compétitivé" des entreprises. Et la garantie tout risque qu'offre le spatial fix sera blindée par le déploiement de politiques sécuritaires qui garantiront aux bobos qui viendront s'installer dans les quartiers réaménagés, qu'ils ne seront pas importunés par les anciennes populations du coin, squatteurs, sans-papiers, et autres SDF: caméras de vidéo-surveillance, mobiliers urbains anti-SDF, et pourquoi pas des drones puisque la technique s'y prête d'ores et déjà, etc. Le décor que le capitalisme de la domination absolue se donne à lui-même se veut ainsi parfaitement sécurisant, propre, nettoyé de toute trace de saleté, bref, le cadre parfaitement adapté au mode de vie bobo:

Ces dispositifs de nettoyage des centres urbains doivent donc être compris comme découlant de leur  gentrification dont l'autre aspect indissociable est leur touristification. Généralement, il faut d'abord relever que l'industrie du tourisme relève de la même inversion capitaliste entre valeur d'échange et valeur d'usage qu'on retrouve dans tous les autres secteurs de la production des biens et des services, ici dans le passage de la figure du voyageur à celle du touriste. Le premier était un aventurier qui partait à la découverte du monde, sans savoir précisément où allaient le conduire ses pérégrinations: bref, l'aventure au sens propre du terme; la valeur d'usage du voyage primait dans ce cadre sur sa valeur d'échange: la pulsion d'exploration du monde, le goût de la découverte, la curiosité aussi bien que la soif de rencontres nouvelles. L'avènement du tourisme de masse, comme dans tous les autres compartiments de la vie réalise donc l'inversion capitaliste des priorités de l'existence qui fait que désormais la valeur d'échange s'est emparée de la valeur d'usage du voyage pour la remodeler suivant les impératifs de l'accumulation du capital: le touriste, lui, planifie son voyage en réservant d'avance sa place dans des hôtels, des circuits de visite, des clubs-med., des stages de décélération programmée pour bobo stressé, etc. Le touriste, dans le cadre de cette industrie, doit d'abord être appréhendé comme une source de devises pour le pays qui l'accueille, et la France, qui est, paraît-il, le pays le plus visité du monde, offre donc le parfait modèle permettant de contempler le phénomène. Le touriste au portefeuille bien garni, suivant le commandement de la valeur d'échange, est ainsi saisie comme une marchandise parmi d'autres, particulièrement juteuse dans ce cadre:"Sous-produit de la circulation des marchandises, la circulation humaine considérée comme une consommation, le tourisme, se ramène fondamentalement au loisir d'aller voir ce qui est devenu banal." (G. Debord, La société du spectacle, 168) Le tourisme de masse est donc un aspect particulier d'une société de la consommation de masse qui fait que la valeur d'usage du voyage se trouve subsumée sous sa valeur d'échange. Et c'est donc là un phénomène qui conduit d'autant plus à nettoyer les zones urbaines touristiques de leurs saletés humaines aussi bien que ménagères pour offrir aux touristes un cadre sécurisant et propret. On comprend sans peine que des touristes venant des quatre coins du monde pour se faire photographier sous la Tour Eiffel devront être accueillis sans risquer de devoir se faire importuner par des SDF faisant la manche. A contrario, bobos résidents et bobos touristiques sont destinés à se fondre sans heurt, de la plus heureuse des façons, dans le décor que le capitalisme de la domination absolue se donne à lui-même. 
Mais, cela veut dire aussi qu'une politique intelligente de conurbation doit toujours en même temps veiller à prendre soin d'entretenir le capital symbolique que constitue le coeur de la ville historique. Positivement, on pourrait y voir une limite intangible au processus de "destruction des villes en temps de paix", qui amène à se ressembler entre elles comme deux gouttes d'eau toutes les conurbations du monde, sorties du même moule d'un grand amas indifférencié. Mais, si un touriste chinois découvrait à Paris les mêmes centres commerciaux avec les mêmes enseignes, les mêmes tours et les mêmes grandes avenues engorgées de circulation que dans son pays, il risquerait de finir par ne plus trop voir l'intérêt de s'y rendre. On ne peut donc pas non plus se contenter de définir trop rapidement, comme G. Debord, l'industrie touristique comme étant "le loisir d'aller voir ce qui est devenu banal." On manquerait par là la tension entre le pôle de l'indifférenciation vers quoi incline toute conurbation et, en même temps, la nécessité  pour chacune d'elles d'entretenir une différenciation suffisante pour faire valoir son propre capital symbolique. Chaque conurbation, en même temps qu'elle se modèle sur celle des autres, suivant un principe de rivalité mimétique les conduisant à surenchérir les unes sur les autres dans une course sans fin à la démesure, doit aussi, en même temps, pouvoir cultiver sa différence,  comme LCI et BFM TV s'imitent mutuellement tout en cherchant à capter les plus grandes parts d'audience possibles en entretenant de menues différences entre elles (1). Dans le cas des conurbations, même si cet impératif d'entretien d'un capital symbolique fixe une limite à l'uniformisation planétaire des grandes zones urbaines, la tendance est alors celle d'une muséification du coeur historique des anciennes villes, leur vitrification dans un passé qui s'est figé pour toujours, sans vie, et donc sans avenir. Si on peut ainsi encore parler de la ville de Paris, c'est alors au sens d'un grand musée à ciel ouvert. Nous sommes ramenés finalement à l'arrêt du temps historique que pointait G. Debord et qui fait aujourd'hui la perplexité de Graeber et Wengrow.
(Si on veut encore plus de précisions sur l'ensemble de ce processus de réaménagement de l'espace par lequel le capitalisme de la domination absolue installe son propre décor, on renvoie à cet entretien avec une spécialiste du sujet, du courant de la géographie critique, C. Gintrac, Spéculation, gentrification, touristification: la grande restructuration capitaliste des vil

Gymnastique d'autodéfense intellectuelle sur la langue
G. Orwell l'avait compris et mis en pratique mieux que quiconque en forgeant le concept de novlangue (voir, pour des précisions, dans ce sujet traité, la partie 2c, Le novlangue). Un combat politique visant un projet de liberté doit déjà, pour commencer, placer sa lutte sur le terrain des mots employés. Et cela veut dire, en premier lieu, prendre garde de ne pas reprendre aveuglément à son compte ceux que martèlent les relations publiques les propagandes des pouvoirs établis. Ici, précisément, on serait bien naïf de se laisser abuser par le jargon invasif qu'elles emploient pour vendre aux populations les politiques d'aménagement du territoire sous les termes clinquants de "ville moderne, connectée, compétitive, inclusive, durable, etc.", on en passe et des meilleurs. Halte là! Le premier problème massif qui se pose avant même d'aborder la série de ces adjectifs, réside, comme on n'a pas manqué de le souligner barrer, dans l'emploi du terme de "ville" lui-même. En l'avalant sans broncher, on sera tout à fait disposé à croire que les conurbations réalisent l'idéal de la ville pleinement développée depuis ses premiers embryons dans le lointain néolithique suivant un scénario évolutionniste qui marque la marche en avant inexorable du Progrès: des projets comme le Grand Paris la conurbation de l'île de France, pourront alors être présentés le plus facilement du monde comme le nec plus ultra de ce que l'humanité a réalisé jusque là en matière d'urbanisme. Refuser de continuer à employer le terme de "ville" pour désigner cet étalement illimité et indifférencié, fera déjà faire un premier grand pas dans la résistance aux pouvoirs en place. Les mots qu'on emploie ne sont pas neutres: ils véhiculent avec eux toute une façon de penser le monde qui est celle qu'ils veulent imposer grâce aux moyens surpuissants de communication dont ils disposent aujourd'hui.
Si on fait une rapide revue d'effectif des adjectifs généralement accolés à cette pseudo-ville, on verra assez facilement, en s'appuyant sur les analyses ici développées, qu'ils relèvent de la même mystification:
-"connecté": autrement dit, pour être clair, une prolifération des écrans connectés aux réseaux numériques, en tout lieu, à tout instant, pour pousser encore plus loin la déconnection de l'individu dans la foule solitaire, l'amenant à infuser en permanence dans un univers virtuel en lieu et place de l'univers concret dans lequel il est là physiquement sans y être mentalement. Bref, suivre à la lettre le slogan du Syndicat national de la publicité télévisée, "Partout à tout instant sur tous les écrans". et par la même occasion pousser encore plus loin l'appétit consumériste avec les incrustations publicitaires qui s'y affichent en permanence. permanence. Une variation sur le même thème est celle de "la ville intelligente". Quoi? La ville se met à penser? Fort bien, voilà qui nous évitera peut-être la peine d'avoir à le faire nous-mêmes. Il faut aussi l'entendre au sens où l'Internet des objets doit permettre d'étendre une surveillance complète sur les zones urbaines. De ce point de vue, un univers peuplé d'objets dits "intelligents" n'est pas précisément très rassurant. On connait bien la ritournelle qui est chantée dans ces cas là: quand on n'a rien à se reprocher où est le problème? Et bien il réside en ceci que dans un système sécuritaire qui prend la place d'une société qui assurerait la sûreté on se retrouve démuni face à un pouvoir qui nous échappe, par principe, pour veiller à ce qu'il n'en abuse pas (voir plus haut si la distinction sûreté/sécurité n'a pas été bien intégrée).
 -"compétitive". Autrement dit, faire en sorte d'attirer les investisseurs en leur offrant des perspectives alléchantes de différentiel de rente foncière via la construction de grosses infrastructures financées par le pognon du contribuable.
-"inclusive". C'est bien connu, l'air du temps est à ce qui est "inclusif". Dans ce contexte, il faut sans doute entendre par là la digestion dans le métabolisme de la conurbation appelée à s'étendre de toutes les agglomérations qui en sont encore tenues à l'écart, à sa périphérie: en fait d'inclusion, elles passeront à la moulinette du processus général d'indifférenciation décrit plus haut et le bataillon de ses populations ira grossir la foule excluante de la conurbation.
-"durable". Il faudra s'y attarder dans la dernière partie. On ne voit pas du tout ce que pourrait avoir de "durable" un tel étalement démesuré qui nécessite, par la force des choses, un appétit en énergie toujours plus gargantuesque. A vrai dire, on ne devine aucun avenir à un tel urbanisme à l'heure où s'annonce plutôt la perspective d'une contraction de l'approvisionnement énergétique.
A la suite, continuons à désamorcer quelques pièges que tend cette langue de bois: le projet de réaménagement du quartier de la Plaine Saulnier dans le département de la Seine-Saint-Denis répond ainsi au doux nom de ZAC (Zone d'Aménagement Concerté) qu'il faut restituer dans le réseau de la langue de la "gouvernance" actuelle, qui est celle d'une "démocratie participative" engageant l'adhésion de l'ensemble "des acteurs" et "des partenaires collaborant à la réalisation de projets". Comme on l'a montré plus haut, la "concertation" en question, est avant tout celle se situant à un haut niveau entre les investisseurs privés dotés d'énormes moyens financiers, la direction du conglomérat des municipalités de la conurbation, l'Etat et le Comité Olympique, pour un projet dont la complexité est telle qu'il doit rester forcément opaque pour le péquin moyen membre d'une association de quartier qu'on invitera à des réunions de "concertation" pour planter le décor en carton-pâte de "la démocratie participative". On le sait, l'air du temps promu par la gouvernance mondiale veut que, dans ce domaine comme dans les autres, plus c'est complexe et mieux c'est. En revanche, ce qui doit être transparent est plutôt du côté des masses prolétarisées cantonnées à des tâches subalternes pour avoir la garantie qu'elles accomplissent au mieux leurs fonctions d'exécution. Si on voulait paraphraser le fondateur de Paypal, P. Thiel, qui en parlait au sujet de la concurrence, on dira que la transparence c'est bon pour les loosers.
Ce sigle "ZAC" est un concentré de poison concurrençant, pour lui faire dire complètement autre chose, le terme de "ZAD" qui, lui, désigne une véritable gestion commune fondée sur l'auto-organisation d'une population comme celle de Notre Dame des Landes; dans ce cas précis, elle s'est opposée, avec succès, à la construction d'un aéroport dans la région de Nantes, typiquement le genre de projet s'inscrivant dans une logique de différentiel de rente foncière, comme on peut le comprendre à ce point. Ses participants ont pu lui donner diverses interprétations qui tournaient toutes, en tout cas, autour du sens à donner à leur lutte contre ce genre de "ZAC". "ZAD" pourra alors signifier, tout à la fois, Zone A Défendre, ou encore, Zone d'Autonomie Définitive. Dans un cas comme celui-ci, une bonne façon de faire est de retourner contre elle-même cette tentative de récupération d'un vocabulaire de critique radicale, d'autant plus qu'ici l'abréviation s'y prête particulièrement bien:"ZAC" devrait alors dire beaucoup plus justement,  "Zone A Commercialiser" ou encore "Zone A Conurber". Reste que si on imagine une hypothétique société socialiste du futur, on aurait peut-être rien à changer au sigle, sauf qu'il signifierait alors, Zone A Communaliser.
Soit, tout cela est bien joli, mais, au stade de la domination absolue du capitalisme où nous en sommes rendus, tout ce travail de résistance n'est-il pas devenu vain? Ne vaut-il pas mieux se résoudre à se laisser emporter par le flot où il voudra bien nous mener quand on réaliser l'emprise quasi-totale qu'il exerce aujourd'hui?

Game is over?
Tentons ces réponses qui font qu'on ne pourra pas, malgré tout, s'arrêter là si facilement. Certes, il faut commencer par admettre combien ont pu converger intérêts économique et politique dans le réaménagement de l'espace urbain conduisant aujourd'hui à une emprise du capitalisme qui semble quasi-complète. Les dynamiques du différentiel de rente foncière ont cet effet doublement vertueux d'assurer des investissements garantis tout risque et extrêmement juteux pour le capital financier tout en nettoyant les zones urbaines de ses classes dangereuses, repoussées et dispersées vers la plus lointaine périphérie. Et on a par la même occasion un début de réponse pour faire face à la perplexité qu'avait soulevé à la fin de la partie précédente ce constat paradoxal, lui aussi, que l'extension de la prolétarisation dans le monde socio-professionnel ne suscitait pourtant aucun mouvement de masse prolongeant et élargissant la base sociale du projet d'émancipation humaine qu'avait porté le monde ouvrier, comme on aurait pu s'y attendre. Au stade de la domination absolue on serait donc tenté de conclure que la partie est finie, Game is over: le capitalisme a vaincu et toute résistance a été réduite en miettes, pulvérisée, "éparpillée façon puzzle" (M. Audiard) aux quatre coins des conurbations: sur le devant du décor triomphent les bobos mêlés aux hordes paisibles de touristes dans une tranquille atmosphère de fin de l'histoire. 
Et pourtant, ce serait trop beau. Ce n'est pas pour autant que tout est réglé pour les classes dirigeantes du capitalisme, loin s'en faut. Il y a déjà trois ordres de problème qu'on abordera dans la dernière partie de ce chapitre qu'on ne peut nettement séparer les uns des autres et qui semblent devoir rester insolubles dans le cadre d'une civilisation conurbaine appelée à toujours plus s'étaler: tout à la fois sociaux-culturels, politique et écologique (le tout sans même tenir compte de l'aspect strictement économique du problème que pose une accumulation du capital sur des bases largement fictives qui est une façon, si on suit les analyses que Marx en faisait, de vivre à crédit sur le dos des générations à venir, conformément à ce qu'était pour lui la devise résumant l'esprit du capitalisme: "Après moi le déluge!")...




(1) Cette course à la démesure suivant le principe consistant à savoir qui aura la plus grosse s'observe d'ailleurs aussi bien dans l'horizontalité que dans la verticalité des conurbations. Dans les pays du Golfe arabique shootés aux pétro-dollars, aussi bien que dans les pays asiatiques, le phénomène s'observe de la façon la plus vertigineuse dans sa verticalité:
 telle agglomération se construira une tour de 500 mètres de haut sur quoi une concurrente renchérira à 520 mètres et ainsi de suite.
Sur le coup, le Grand Paris la conurbation de la région de l'île de France se fait tout petite, finalement. Et pourtant tout cela reste encore petit jeu si l'on songe au projet de F. L. Wright qui envisageait aux débuts des années 1960 la construction d'un gratte-ciel de 1600 mètres de hauteur...

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