dimanche 24 mai 2020

4) Des droits des animaux. Elaborer un système éthique qui ne dépende plus des armes de guerre

Mise à jour, 06-07-20

"Nous pouvons détruire les animaux plus facilement qu’ils ne peuvent nous détruire : c’est la seule base solide de notre prétention de supériorité. Nous valorisons l’art, la science et la littérature, parce que ce sont des choses dans lesquelles nous excellons. Mais les baleines pourraient valoriser le fait de souffler et les ânes pourraient considérer qu’un bon braiement est plus exquis que la musique de Bach. Nous ne pouvons prouver qu'ils ont tort, sauf par l’exercice de notre pouvoir arbitraire. Tous les systèmes éthiques, en dernière analyse, dépendent des armes de guerre (je souligne)." (Bertrand Russell, Mortals and others: American essays, 1931-1935)

Elaborer le projet d'une contre-histoire humano-animale du point de vue des victimes animales
Il faut maintenant aller (presque) (1) jusqu'au bout dans la démarche de décentrement de son existence humaine. Un des quatre thèmes fondamentaux du sens d'une philosophie à vocation émancipatrice, ici mise en chantier, réside dans le pari qui a été fait d'envisager le monde et son histoire du point de vue des victimes et non des bourreaux, comme c'est la perspective des récits archi-dominants. J'estime avoir assez largement développé cette démarche en cherchant à épouser la perspective des sociétés primitives, des sorcières, des paysans pauvres, des vagabonds, des squatteurs, ou encore, des ouvriers. Maintenant, il reste à franchir un pallier supplémentaire dans cette entreprise, le plus vertigineux de tous, en tâchant d'adopter la perspective des plus grandes (et de très loin) victimes de l'histoire, les Grands Oubliés de l'historiographie: les animaux que nous avons torturé et exterminé depuis le néolithique. Si nous prenons au sérieux l'intuition de M. Kundera, d'où nous sommes partis, c'est cela aller à la racine (radical=ce qui va à la racine) de la faillite de l'humanité, démarche sans laquelle nul salut ne pourra venir pour elle. Si nous vivons une époque où il faut être radical, alors soyons le jusqu'au bout, sans quoi tout ce qui a été entrepris ici au titre d'une philosophie qui se veut émancipatrice aurait été parfaitement mensonger.
 Le point fondamental à partir duquel nous légitimons et déterminons ici le concept d'une contre-histoire humano-animale serait donc le suivant, d'après les développements des parties précédentes: l'éthologie actuelle nous reconduit, par un chemin tout différent, celui qu'a tracé la démarche rationnelle, expérimentale et critique issue de la pensée occidentale, à une expérience du monde similaire à celle qu'on trouvait dans les cultures primitives de l'Ancien âge de pierre. Cette convergence aboutit, dans les deux cas, pour le plus ancien comme pour le plus actuel, au refus de la partition et de l'opposition entre ce qui relèverait de la nature, d'une part, et ce qui relèverait de la culture, d'autre part. Le concept de culture animale, abordé dans la partie précédente (en cours de construction), qu'a commencé à forger l'éthologie (japonaise, tout spécialement), sur la base d'un ensemble déjà suffisamment conséquent de connaissances, rejoint donc, par une voie complètement différente, ce qui sous-tendait l'ensemble de l'expérience du monde des cultures primitives, pour lesquelles, derrière chaque animal se cachait une personne possédant des attributs humains. Partant de là, il en découle logiquement qu'une véritable contre-histoire de l'humanité devra intégrer dans sa narration ce qui en a toujours été exclu jusque là, les animaux, comme des parties prenantes, à part entière, ce qui veut dire ici, précisément, comme des sujets qui ont participé activement à cette histoire, et non simplement comme des victimes passives de notre "pouvoir arbitraire". C'était, notons le bien, déjà de cette façon qu'il fallait considérer les victimes humaines. Une contre-histoire de l'humanité qui ne soit pas tronquée devra donc nécessairement prendre la forme d'une contre-histoire humano-animale.
Personne, à ma connaissance, n'a jamais envisagé de faire un tel récit; et pour cause, c'est une chose, qui, en l'état actuel de nos connaissances, dépasse encore de très loin nos capacités; nous avons, pour le moment, à peine de quoi en former le projet. Mon intuition consisterait pourtant à dire que le jour où un humain sera en mesure de construire ce récit d'une contre-histoire humano-animale depuis la perspective des Grands Oubliés, l'humanité sera peut-être proche d'être sauvée; c'est, du moins, une des implications que je tirerais de l'idée de M. Kundera sur la faillite inaugurale de l'humanité d'où s'en seraient suivies toutes les autres. C. Darwin avait donné en son temps une indication qui semblait bien déjà aller en ce sens:"Celui qui comprendra les babouins fera plus pour la métaphysique que Locke."  (Cité par F. de Waal, Sommes-nous trop "bêtes"..., p. 206)

(Presque) "tous les systèmes éthiques dépendent, en dernière analyse, des armes de guerre"
Dans l'histoire récente, nous ne pouvons trouver guère mieux que des embryons en voie de formation qui nous indiquent la voie pour commencer à établir les fondements éthiques d'une telle entreprise, donnant une toute petite idée de ce à quoi pourraient ressembler les premiers temps d'une nouvelle ère de l'historiographie. C'est, bien sûr,  parmi les plus grands esprits du XXème siècle, qu'il faut chercher, comme B. Russell, un individu aux capacités d'empathie imaginative hyper-développées. Il faut donc ici repartir de ces remarques:"Nous pouvons détruire les animaux plus facilement qu’ils ne peuvent nous détruire : c’est la seule base solide de notre prétention de supériorité. Nous valorisons l’art, la science et la littérature, parce que ce sont des choses dans lesquelles nous excellons. Mais les baleines pourraient valoriser le fait de souffler et les ânes pourraient considérer qu’un bon braiement est plus exquis que la musique de Bach. Nous ne pouvons prouver qu'ils ont tort, sauf par l’exercice de notre pouvoir arbitraire. Tous les systèmes éthiques, en dernière analyse, dépendent des armes de guerre." C'est là une façon fulgurante de pulvériser en un éclair tous "les systèmes éthiques" que nous avons cru bon d'élaborer depuis le néolithique, jusqu'aux plus sophistiqués que l'on trouve dans la philosophie occidentale. C'est le propre des grands esprits, comme B. Russell: ils arrivent à concentrer en une économie maximale de moyens une charge explosive considérable, sur le plan symbolique (application du principe d'économie d'énergie à l'univers immatériel). Il ne reste plus grand chose de nos morales supposées, par définition, bonnes, que des ruines après une telle "frappe chirurgicale": c'est le retour de bâton ou sa variante, l'arroseur-arrosé, certes de façon purement symbolique, mais c'est ainsi que réplique tout authentique non-violent à la violence des armes de guerre. Cette réflexion de B. Russell, qui va, de façon très simple, à l'essentiel, comme souvent chez lui (chose dont est devenue presque intégralement incapable la philosophie, tout particulièrement, en France), appelle au moins quatre remarques supplémentaires.

1-"Nous ne pouvons prouver qu'ils ont tort..." Il y a une raison simple et fondamentale pour nous interdire tout jugement de valeur quant aux mérites respectifs des animaux et nous. Nous l'avons déjà présenté en introduisant la notion d'umwelt (monde-de-la-vie), dans les parties précédentes: celui des animaux nous est, de prime abord, impénétrable. Nous nous permettons de comparer alors que nous sommes dans l'obscurité la plus complète du côté d'un membre de la comparaison: c'est une comparaison de borgne, pourrait-on dire; pour que nous soyons légitimés à la faire, il faudrait déjà que nous puissions pénétrer suffisamment loin dans les umwelts animaux pour avoir une idée, même imprécise, de la façon dont le monde se révèle à eux. C'est le sens que je tirerai de cette formule de L. Wittgenstein, qui condense toute l'énigme que pose le sphinx, ici, l'animal dont nous essayons de pénétrer le monde:"Un lion pourrait parler, nous ne pourrions le comprendre". Je prends cette formule d'abord comme une invitation à faire preuve d'une extrême modestie quant à nos facultés cognitives et leurs limites: s'il pouvait parler notre langue, ce qu'un lion pourrait dire de son umwelt, serait si différent du nôtre, que nous ne saurions comment le retraduire pour nous le rendre intelligible. Et encore s'agit-il d'une espèce relativement proche de nous. Mais, que pourrait-on comprendre de ce que nous diraient des invertébrés comme les pieuvres si elle pouvaient nous parler de leur propre monde, d'après ce que l'on sait aujourd'hui de leur physiologie:"Ces animaux pensent littéralement (...) hors de leur tête. Une pieuvre possède près de deux mille ventouses, chacune équipée de son propre ganglion d'un demi-million de neurones. Cela fait énormément de neurones, en plus des 65 millions que compte son cerveau (...) Son cerveau est en relation avec tous ces mini-cerveaux, qui sont également en contact entre eux. Au lieu d'avoir un centre de commandement unique, comme dans notre espèce, le système nerveux du céphalopode fonctionne plutôt comme Internet: le contrôle local est très important. Un bras coupé peut ramper tout seul, et même ramasser de la nourriture." (F. de Waal, Sommes-nous trop "bêtes" pour comprendre l'intelligence des animaux?, p. 314-315) Que pourrions-nous saisir de l'univers de la pieuvre si elle pouvait nous parler? Poser cette question énigmatique, c'est en même temps accueillir avec beaucoup de circonspection et de recul ce qu'un cardinal français disait à un chimpanzé au XVIIIème siècle:"Parle, et je te baptise." (Cité par de Waal, ibid., p. 129) Tout, cependant, n'est pas désespéré dans nos tentatives pour explorer les umwelts animaux. Nous savons maintenant le chemin qu'il faut emprunter et un riche héritage sur lequel s'appuyer. On peut donner trois bonnes raisons de ne pas complètement désespérer.
-Premièrement, l'éthologie a commencé à déblayer l'entrée du puits sans fond et un champ de découverte inépuisable s'est ouvert à elle à partir du moment où elle a intégré le fait que pour avoir une chance de comprendre le comportement animal, la première condition était d'activer les capacités d'empathie imaginative. Le premier qui a montré clairement la voie, c'est K. Lorenz:"Sa compréhension des modes de communication et de parades animales était épiphanique. Il parlait d'un poisson: ses mains se muaient en nageoires. Il évoquait les loups: ses yeux devenaient ceux d'un prédateur. Il racontait une histoire sur ses oies: ses bras se changeaient en ailes contre ses flancs. Il n'était pas anthropomorphe, mais le contraire: thériomorphe - il devenait l'animal qu'il décrivait." (D. Morris cité par de Waal, ibid., 57) C'est dans le prolongement direct de cette approche thériomorphe, que se situe ce petit bijou d'humour par quoi B. Russell rendait compte, ici par l'intermédiaire de la voix de D. Rongvaux, de l'itinéraire d'un autre éthologue, J. K. Summerville, qui finit par être étrangement contaminé par le mode de de vie formidablement indolent de cet animal au nom évocateur, "le paresseux":


 La biologie a commencé à comprendre les mécanismes neurologiques qui constituent le sous-bassement biologique de cette capacité méta-cognitive d'empathie imaginative nous ouvrant  les portes de l'intériorité d'autrui, via la découverte des neurones-miroirs, d'abord découvert sur des singes, est-il important de le préciser, ce qui laisse à penser qu'il ne s'agit pas là d'une exclusivité humaine. 
 -Deuxièmement, nous avons hérité d'un legs déjà très ancien, vieux d'au moins 2700 ans, de notre civilisation occidentale: dans sa source grecque, ce que nous pouvons recueillir de plus précieux pour notre quête de droits forts pour les animaux, c'est justement cette remarquable aptitude des Grecs anciens au décentrement de leur existence pour arriver à épouser la perspective de l'étranger, comme Castoriadis avait attiré l'attention dessus. C'est quelque chose qui a été déjà suffisamment développé sur ce chantier pour ne pas avoir à y insister ici. Retenons juste qu'il y a déjà en germe, dans cette attitude décentrée, ce que l'humanité occidentale inventera bien plus tard sous la forme de l'anthropologie, cette discipline qui consiste à étudier les sociétés humaines les plus radicalement différentes de la nôtre sans rien préjuger de leur valeur, en tâchant d'adopter leur propre perspective. Il est tout naturel d'en tirer que le pas suivant dans ce processus de décentrement est l'affaire aujourd'hui de l'éthologie: étudier les sociétés animales de la même façon.
-Troisième et dernier encouragement, on peut faire raisonnablement  l'hypothèse, sur la base de ce que nous pouvons savoir aujourd'hui, de l'émergence au néolithique seulement d'un basculement du comportement humain face à l'animal qui en a fait un être qui nous est devenu de plus en plus étranger, au point de finir par le "chosifier" intégralement avec l'avènement des Temps modernes. Tous les acquis de l'anthropologie, dont on a donné un aperçu dans la partie 1c, convergent pour penser que les sociétés de l'Ancien âge de pierre ne devaient pas se comporter comme des barbares, ainsi que c'est notre cas. Par exemple, c'est une hypothèse évidemment tout à fait invérifiable, mais, qui s'accorderait pourtant bien avec tout ce qu'elle nous a appris, depuis un siècle et demi, de supposer que les peintures rupestres, vieilles de plusieurs dizaines de milliers d'années, devaient figurer, pour nos lointains ancêtres, des frères et soeurs humains à apparence animale. Quoiqu'il en soit, nous avons certainement dans notre héritage, depuis les débuts du processus d'hominisation, des gisements importants qui nous sont restés de ces temps du paléolithique, qui occupent l'écrasante majorité de notre histoire; pour s'en donner une idée, imaginons, avec le préhistorien P. Depaepe, que l'évolution de l"humanité, depuis les premiers Homos, entre 2,5 et 3 millions d'années, soit représentée sur une année civile: notre vie de chasseurs-collecteurs nomades s'arrêterait le 29 décembre (équivalent à 96 000 générations). A cette échelle, notre mode de vie actuelle n'a donc que deux jours (soit 400 générations), ou, dit autrement, occupe 0,4 % de notre histoire.

2-"Tous les systèmes éthiques, en dernière analyse, dépendent des armes de guerre." C'est la grosse ligne à développer, tant on s'attaque ici à des couches de préjugés, sédimentés sur des siècles, voir, des millénaires, touchant un point particulièrement critique pour notre avenir. Si nous nous sentons supérieurs à la pieuvre, c'est donc uniquement parce que nous pouvons l'exterminer, elle non: voilà une "supériorité" assez suspecte dont il n'y a pas peut-être pas de raison de se réjouir trop vite. En tout cas, nous n'avons strictement rien d'autre de sérieux comme argument à proposer. Nous avons des moyens de destruction supérieurs aux animaux: c'est la seule chose dont nous pouvons raisonnablement nous glorifier par rapport à eux: la force brute comme seul argument, mentalité que nous qualifions pourtant habituellement de sauvage et barbare, et que les Nazis ont porté à son paroxysme: cette incarnation du mal absolu ne serait-elle pas finalement déjà en germe dans le moindre de nos systèmes éthiques?  La question mérite du moins d'être posée et permet aussi, au passage, d'éclairer sous un autre jour, cette autre, abordée dans la première partie, qui permet souvent aux détracteurs de la cause animale de la disqualifier à peu de frais en prétendant que les Nazis en  auraient été de grands défenseurs. Ce n'est évidemment pas sérieux pour peu qu'on considère aussi la question sous cet angle.
Le (très) gros hic, c'est, si l'on veut bien la prendre un instant au sérieux, l'hypothèse de travail que le savant russe P. Kropotkine avait formulé dès la fin du XIXème siècle, sur la base de ses recherches en Sibérie sur les espèces vivantes; il avait abouti à la conclusion que ce ne sont pas les plus forts mais les plus sociaux qui sont les mieux équipés dans la lutte pour la vie; on pourra en tirer de façon difficilement contestable ce corollaire qu'il y a encore plein d'espèces qui sont beaucoup mieux partis que nous dans ce combat (ou, pour plus de vie, dans sa variante nietzschéenne), dans un contexte social-historique où les gens voient de l'égoïsme partout, même là où il n'est manifestement pas logé, les rendant terriblement retorts pour engager toute forme de coopération avec leurs semblables. Depuis son époque, on a pu affiner l'hypothèse de Kroptokine, qui a pris du galon: cette loi semble se confirmer d'autant plus à mesure que les espèces sont confrontées à un milieu dont l'hostilité augmente; Kropotkine l'avait donc énoncé à partir de ses recherches en Sibérie, dans un milieu particulièrement inhospitalier. Allons encore plus loin pour faire l'hypothèse, tout à fait plausible, qu'au moins une des raisons essentielles qui a pu faire le succès d'homo sapiens tiendrait justement dans le fait qu'il a dû, en raison des traits accentués de sa néoténie, développer des formes particulièrement soutenues et complexes de coopération sociale pour prendre en charge l'éducation prolongée des enfants, aussi bien, qu'à l'autre bout de la chaîne de la vie, la vieillesse prolongée des individus. Il y a là une énigme qui tarabusque les préhistoriens sur laquelle il faut s'arrêter un peu, pour donner encore plus d'eau au moulin de cette thèse de l'avantage évolutif que procure la sociabilité. Il est bien établi qu'il y a encore quelques dizaines de milliers d'années coexistaient différentes espèces d'humanité et seul a finalement subsister Homo sapiens: pourquoi? On ne va pas prétendre ici régler ce mystère. En revanche, ce qui paraît bien établi, d'après les fouilles archéologiques, c'est qu'en comparant les sites où vivaient les Néanderthaliens et ceux où vivaient les Sapiens, on se rend compte que les collectifs de ces derniers devaient être bien plus nombreux: on passe d'une trentaine d'individus, tout au plus, à des groupes qui pouvaient rassembler autour de 150 personnes, d'après les sources que donne le préhistorien P. Depaepe. Sapiens avait donc sûrement développer des formes plus complexes d'organisation sociale, ce qui autorise à conclure, d'après tout un ensemble d'autres données, par ailleurs, que nous sommes l'espèce sociale, par excellence. C'est la chose qui apparaît ici comme proprement glaçante dans le projet actuel dit "néolibéral" entrain de refaçonner le monde: s'attaquer systématiquement, méthodiquement et froidement, pour les saper, aux bases même de ce qui a pu faire la réussite de notre espèce. Quand on voit, par exemple, certains préconiser, tout à fait dans l'esprit d'un libéralisme malthusien, de laisser faire la sélection naturelle, pour gérer au mieux la crise du covid 19, en laissant mourir ceux qui sont affaiblis (les vieux, en premier), pendant que les plus forts pourraient s'immuniser, c'est que, victimes de préjugés éculés, ils n'ont toujours pas compris grand chose à la façon dont elle opère, tout particulièrement, pour notre lignée d'Homos.
Pas encore convaincu? Alors donnons une confirmation supplémentaire remontant encore bien plus loin, aux débuts mêmes du processus d'hominisation. Il est établi que l'Homo habilis, qui vivait autour de deux millions d'années, et d'où notre lignée descend, se singularisait par rapport à son contemporain, Homo robustus, par le fait que la période d'allaitement des nouveaux-nés était deux fois plus longue: quatre ans au lieu de deux: voir la conférence, du préhistorien P. Depaepe, La modernité de l'homme préhistorique, disponible sur Youtube de 12' à 18', qui l'explique bien. Dans des cas comme celui-ci, la dépendance prolongée que cela entraîne implique des formes de coopération sociale plus soutenues pour prendre en charge le soin nécessaire à apporter aux petits, et donc aussi, incidemment, une organisation plus collective qui permettra à chacun d'être mieux équipé pour échapper aux prédateurs. Robustus, comme son nom l'indique bien, était particulièrement imposant, physiquement: c'est pourtant lui dont la lignée s'est finalement éteinte: les restes analysées, retrouvées dans les fouilles archéologiques, montrent, sans contestation possible, qu'il était beaucoup plus vulnérable aux attaques des prédateurs. Dans un cas comme celui-ci, confirmant à nouveau la thèse de Kropotkine, il y a plus d'un siècle, ce n'est donc pas le plus fort qui est destiné à se perpétuer, mais bien le plus social.
Insistons donc sur ce point, tant il paraît crucial: la force n'est pas nécessairement un atout dont il y a lieu de trop se vanter. Mais, on savait ce genre de chose depuis très longtemps déjà dans les cercles les plus élevés auxquels ait pu accéder l'humanité; ainsi, par exemple, du Tao Te King de l'antiquité chinoise attribué à Lao Tseu:"Sur terre, la chose la plus souple/l'emporte sur la plus dure..." (Tao Te King, XLIII) On retrouve aussi bien cette idée dans le mythe biblique du combat entre David et Goliath. C'est à l'aune de cette sagesse immémoriale et universelle qu'il serait intéressant de comprendre la disparition des dinosaures et autres grosses bêbêtes, il y a quelques 60 millions d'années lors de la dernière extinction de masse des espèces: peut-être n'étaient-elles pas assez "souples" et trop fortes pour s'adapter au brusque changement de leur condition de vie (probablement due à la chute d'une météorite d'après l'hypothèse qui rallie le plus de suffrage dans les milieux scientifiques), contrairement à d'autres espèces bien plus petites et faibles en apparence. Sommes-nous entrain de devenir les dinosaures de la sixième extinction de masse des espèces, celle aujourd'hui provoquée par l'homme lui-même? 
A défaut de donner une réponse ferme et définitive, proposons une variation de ce thème telle que les recherches les plus récentes en éthologie ont pu permettre d'en approfondir la compréhension:"Le principe de base est un paradoxe: la force est une faiblesse." (F. de Waal, Sommes-nous trop "bêtes"...?", p. 215) Il faut bien comprendre ici le contexte au sein duquel ce paradoxe prend son sens, en l'occurence, les luttes qu'on trouve dans les sociétés de chimpanzés pour la conquête du pouvoir. Ce qu'on a pu observer, c'est que les hiérarchies sont instables chez les mâles alors qu'elles sont plutôt fixes chez les femelles. Il en résulte pour les premiers des luttes incessantes qui font que la position du dominant est condamnée à rester précaire. Sa force finit alors toujours par devenir sa faiblesse, car, de par son statut, il ne se sent pas obligé d'entretenir des rapports amicaux avec ses congénères, pour nouer avec eux des alliances, ce que font justement ceux qui lui contestent sa position dominante. C'est, ainsi, par son entêtement à s'isoler des autres et les traiter par la brutalité, qu'il est destiné à se faire renverser tôt ou tard. Comme le fait remarquer de Waal, c'est tout à fait la même logique qu'on retrouve à l'oeuvre dans les relations internationales entre les Etats. Dans le contexte géo-politique actuel, on peut, par exemple, en conclure, suivant le même principe, que la force des Etats-Unis est ce qui fait leur faiblesse, comme c'était auparavant le cas pour le Royaume-Uni, ou, pour n'importe quelle autre grande puissance ayant voulu établir son hégémonie sur le monde par le passé. Pourtant, dans le cas précis du développement de l'humanité depuis ses lointaines origines, comme on l'avait exposé pour la comprendre comme une espèce néoténique, c'est le principe complémentaire de celui énoncé ici qui s'est appliqué: sa faiblesse s'est révèlée être la condition de sa force (voir, L'insulation comme remède à la néoténie).
Ce que nous tirerons surtout de toutes ces remarques, c'est que le plus nécessaire pour ce qui nous attend, ce ne sont sûrement pas des armes de guerre toujours plus sophistiquées et destructrices pour se défendre contre des ennemis, ni de moyens de contrôle des populations hyper-développés, via les "progrès" de l'informatique et de la robotique, mais la réactivation de nos capacités à nouer et entretenir des rapports coopératifs sur la base la plus élargie possible, tenant compte du fait que les menaces auxquelles nous devons faire face aujourd'hui se situent sur une échelle planétaire, liées à la dégradation de nos conditions de vie sur terre. Et, est-il besoin de le préciser, ces relations, à développer sur la base de la réciprocité (toujours à entendre ici au sens qu'on lui a donné pour caractériser l'économie des sociétés primitives), doivent englober ceux que nous traitons aujourd'hui avec le même genre de brutalité dont le mâle dominant d'un collectif de chimpanzés fait preuve à l'égard de ceux qu'il soumet à son pouvoir arbitraire, l'ensemble des autres espèces vivantes. A cette échelle, il faut bien avoir conscience du fait que ce pouvoir démesuré que nous exerçons sur elles et dont nous nous enivrons est ce qui fait notre faiblesse. Il s'agirait donc de (re)nouer avec elles des relations fondées sur la réciprocité, qui intègrent tous les services gratuits qu'elles nous rendent pour notre propre prospérité: les abeilles ou les vers de terre en constituent des exemples particulièrement flagrants, mais une foule innombrable d'autres pourraient être ici mobilisés incluant jusqu'aux espèces que nous avons pris l'habitude de qualifier de nuisibles, comme les taupes, qui nous donnent, par leur activité, une terre prête à être utilisée pour nos plantations (c'est un cas dont je peux témoigner à partir de ma propre expérience, qui va diamétralement à l'opposé des propos d'un J. C. Michéa, qui, aujourd'hui, se permet de donner des leçons sur ces sujets alors qu'il n'a à peu près aucune expérience en la matière).

 3-" Armes de guerre": il est encore important de relever ici que c'est bien l'expression d'"armes de guerre" que retient B. Russell, et non celle d'"armes de chasse". En réalité, cela fait déjà assez longtemps que nous ne nous contentons plus de chasser les animaux  suivant une relation intra-parentale qui relevait bien d'avantage, dans les sociétés premières, de l'amour que de la guerre, comme nous l'avons exposé dans la première partie. Suivant une indication que donnait K. Polanyi, dont le sens a été développé à propos du principe d'intégration économique de l'administration domestique, il faudrait déjà commencer par remonter, au moins, au début des civilisations de l'âge de fer, dans une fourchette allant de 1 100 à 800 avant J. C., selon les aires géographiques; ce métal a d'abord massivement été utilisé pour la fabrication d'armes beaucoup plus meurtrières et a soumis la terre à un tout nouveau régime d'exploitation la violentant de façon inédite; J. Ellul signalait que, dans certaines sociétés remontant à ces temps anciens, il était tout simplement interdit de travailler la terre avec des instruments en fer, ce qui n'est sûrement pas anodin. On pense d'abord, bien sûr, à la charrue avec son soc de fer, une de ces très rares mutations dans l'histoire qui a bouleversé la face du monde, du même ordre que la Révolution industrielle de l'époque moderne, comme l'avançait Polanyi. Il y aurait ici un jeu de mot  facile à faire pour dire que ce qui est en fer annonce l'enfer (il n'y a pourtant aucune étymologie, à ma connaissance, qui permettrait de faire dériver un terme de l'autre). Nous avons déclaré aux animaux, au moins depuis là, une guerre sans merci. Et cette guerre est parfaitement inéquitable, bien d'avantage encore que pouvait l'être l'affrontement entre les civilisations de l'âge de bronze et les armées de colonisateurs blancs sur-équipés d'armes héritées,  justement, d'une civilisation de l'âge de fer. Parmi tant d'autres victimes de cette guerre totale, on retiendra ici le loup, le grand méchant loup (l'exception qui confirme la règle, se trouvant dans la fable, Le loup et le chien, de La Fontaine, où le loup a, pour une fois, le beau rôle), dont Charlemagne ce "grand homme" avait donné le coup d'envoi de son extermination au début du IXème siècle. Pourtant, un regard suffisamment décentré, et donc objectif, montrerait qu'en terme d'agressivité et de nocivité, il n'y a pas photo, en l'état actuel: le loup est manifestement bien plus favorable à la prospérité de la vie: voir sa réintroduction dans le Parc de Yellowstone qui a complètement revivifié tout l'écosystème:

L'exemple type de l'idiot dont le cerveau a été réduit en marmelade, est, de ce point de vue, celui qui se demandait s'il ne faudrait pas liquider les chauve-souris puisqu'elles ont pu transmettre le virus à l'origine de l'actuelle pandémie, éradication dont une étude savante, parue il y a quelques années aux Etats-Unis (qu'on se rassure elles sont déjà en voie de disparition), chiffrait le coût à 23 milliards de dollars par an, dans ce seul pays et  pour leur seule fonction de pesticide: Monsanto s'en frotte d'avance les mains. Un service gratuit que nous rendait cette prodigieuse espèce pourra ainsi être transformé en une marchandise payante qui accélèrera encore un peu plus la destruction des bases vitales de l'existence, pour le plus grand profit des entités de type psychopathe (qu'on s'entende bien: ce diagnostic de pyschopathie n'est pas d'abord lié à la personnalité des individus qui sont à leur tête, mais à la structure institutionnelle dans laquelle ils sont appelés à diriger qui incite, sans aucun doute, au développement de ce type de comportement; voir, dans cet article, L'immortalité pathologique des corporations, pour dissiper tout malentendu à ce sujet; il ne faudrait donc pas se laisser induire en erreur par le fait qu'on pourrait trouver des gens charmants dans ce milieu: le problème ne se situe pas du tout au niveau de la psychologie individuelle comme s'il suffisait de remplacer les méchants par des gentils). Le comble de l'absurdité est, bien sûr, qu'un pays qui aura procédé ainsi sera considéré comme plus riche (augmentation du PIB) qu'un autre qui aurait pris soin de préserver cette espèce.
Ce qui doit être mis fondamentalement en cause ici, c'est non pas tant un état d'esprit génocidaire qu'une incapacité de plus en plus catastrophique à dominer son appétit de domination, une des choses essentielles, parmi bien d'autres, à réapprendre des sociétés primitives, "dont la différence avec nous est d'avoir découvert non seulement d'autres codes d'existence, mais des moyens de réaliser une fin qui nous échappe encore: la maîtrise par la société de sa maîtrise sur la nature [souligné par moi]." ( Sahlins, Au coeur des sociétés, p. 274) Nous sommes placés dorénavant devant la nécessité, qui se fait de plus en plus pressante, de réactiver aussi la faculté méta-cognitive de la maîtrise de soi: nous pourrions les exterminer mais nous ne le voulons pas, une posture qui tend à être psychiquement impensable pour le petit bonhomme que semble devenir toujours d'avantage homo "sapiens" (dont on a de plus en plus de mal à voir ce qu'il a de "sapiens", si l'on prend la connotation de "sage" qu'avait à l'origine ce terme): sa formule à lui correspond plutôt à la loi de Gabor qui condense, elle aussi, en une économie maximale de moyens, une charge symbolique énorme:"Tout ce qui peut être fait le sera", ce qui traduit très exactement, comme l'aurait formulé la pensée démocratique de l'antiquité grecque, l'absence de vergogne, le pire vice qui soit, pour elle, joint à celle du sens de la justice (voir la fin du myhte de Protagoras chez Platon). Ce serait pourtant dans notre propre intérêt de jeter cette loi aux orties. Si on peut tirer au moins une leçon du conflit entre Sparte et Athènes, parmi bien d'autres exemples possibles, c'est d'après une remarque de Sahlins, que ce qui a perdu finalement les Athéniens, et ce n'était pourtant pas faute d'être prévenus, d'après ce qu'on vient de noter, c'est de vouloir étendre leur pouvoir au-delà de leurs capacités, à la différence des Spartiates dont les prétentions sont restées en-deçà de ce qu'ils auraient pu être en mesure de faire.
Prenons un cas d'école concret, celui des politiques du littoral, illustrant bien l'alternative devant laquelle nous sommes aujourd'hui placés, soit de nous laisser aller encore d'avantage à notre appétit incontrôlé de domination, soit de nous engager dans la voie de la maîtrise de la maîtrise de la nature. Il est aujourd'hui certain qu'avec la perspective du réchauffement climatique qui va aller en s'intensifiant, les zones habitées en bord de mer vont devenir de plus en plus inondables, avec la montée du niveau des eaux. La tentation est forte d'affronter le problème en continuant à nous enivrer d'un pouvoir illusoire:"La position privilégiée des acteurs locaux rejoint celle des populations riveraines dans l'objectif "d'endiguer les forces de la nature."(S. Juan, La transition écologique, p. 69) Littéralement parlant, il s'agit de de promouvoir le principe des digues et de les consolider toujours plus, avec un impératif, celui de préserver l'économie de ces zones de peuplement. Mais, peut-on indéfiniment prétendre ainsi canaliser les forces colossales à l'oeuvre dans un océan ou une mer? Certains, comme ce maire de Dieppe, voient bien l'impasse dans laquelle on s'enfonce ainsi:"On a bloqué  les plages avec des digues, parapets et autres épis et on tient bon mais combien d'années on va contenir?[...] La combinaison grandes marées et vent de face, en cas de tempête, a déjà balayé la plage [...] A un moment donné, la nature va nous dire:"Poussez-vous!"" (Cité par S. Juan ibid., p. 69) Reste donc l'autre membre de l'alternative, celle qui consiste à poser des limites à notre volonté de puissance, qui se développe aujourd'hui dans les milieux qui ont appris à connaître de longue date ces forces qu'on cherche à endiguer par tous les moyens, comme ces ostréiculteurs, avec l'appui des experts de l'écologie scientifique, qui "proposent de "restituer des terres à la mer" et de créer des zones tampons, telles que les terrains submersibles ou les marais (les mangroves sous d'autres latitudes), pour gérer le trait de côte de manière plus souple." (ibid., p. 68) Nous pensons que c'est tout à fait à fait le même genre de problématique qui s'applique aujourd'hui aux nombreuses espèces menacées, qu'il serait pourtant dans notre propre intérêt de préserver, étant donné les services qu'elles rendent. Là aussi, il s'agirait de leur restituer les territoires dont nous les dépouillons toujours plus.

4-"Tous les systèmes éthiques, en dernière analyse, dépendent des armes de guerre". Evidemment, c'est la dernière précision importante à apporter: le sens de la conclusion finale de la réflexion de B. Russell ne devait absolument pas être pris de façon cynique comme ce qui justifierait le règne sans fin des armes. Le problème qui en découlait pour lui devait plutôt se formuler comme suit: élaborer un système éthique qui ne repose pas, en dernier recours, sur les armes de guerre. Cette tâche est donc intiment liée à celle d'une future contre-histoire humano-animale depuis la perspective des Grands Oubliés; il faudra attendre qu'un ou plutôt des titan(s) s'attelle(nt) à la tâche de reconstruire un système éthique, digne de ce nom, qui ne prendra plus appui sur les armes de guerre pour se justifier, en dernier recours. Pourtant, la voie a déjà été tracée parmi les esprits les plus élevés qui ont émergé à intervalle régulier dans l'histoire humano-animale; en fait, tous ceux et toutes celles qui ont fondé l'ensemble de leur éthique sur une véritable non-violence, celle portée par la puissance de l'amour: Tolstoï ou Gandhi, par exemple, parmi les derniers à avoir vécu sur cette terre.(1)

(1) On aurait cependant grand tort d'en faire intégralement des saints, ou, pire encore des idoles, et ceci est valable pour n'importe qui d'autre. Par exemple, G. Orwell jugeait sévèrement Gandhi pour avoir fait le pari de la victoire des forces de l'Axe durant la Seconde guerre mondiale.


De la malhonnêteté et de la paresse des milieux intellectuels (tout spécialement "de gauche") touchant la cause animale
Dans les milieux philosophiques, depuis l'époque de B. Russell, personne, sauf quelques très rares exceptions, n'a cherché à tirer sérieusement les implications de ce missile symbolique qu'il a envoyé sur nos systèmes éthiques; ce n'est pas toujours faute d'intelligence: mais dans ce dernier cas il faut se résoudre avoir affaire à des lâches, aussi bardés de diplômes prestigieux soient-ils, qui passent leur temps à décortiquer et complexifier jusqu'à la démesure, leurs systèmes éthiques, qui reposent tous, au fond, sans qu'ils aient le courage de se l'avouer, sur une  base aussi misérable. Il faut être bien conscient de la violence  symbolique qu'il faut mettre en oeuvre ici pour fonder les droits des animaux: il n'y a qu'à coups de missiles conceptuels, que l'on peut espérer commencer à percer la montagne de mensonges sur laquelle nous avons bâti nos morales dont nous sommes si fiers, et qui nous bouchent l'accès à une entreprise de fondation solide de tels droits, dans notre propre intérêt, comme les analyses précédentes invitent à le penser. Nietzsche disait déjà, vers la fin du XIXème siècle, qu'il faut désormais philosopher à coups de marteau; aujourd'hui, il aurait sûrement grimpé un échelon bien au-dessus. Nietzsche, un cas très intéressant pour la cause animale, justement, celui qui a basculé définitivement dans la folie le jour où il a vu un cheval se faire martyriser par un charretier.
Ce qui semble se répandre dorénavant, tout particulièrement dans les milieux de pensée qui se revendiquent de la "gauche", jusqu'à ceux qui se présentent comme "radicaux", c'est une attitude d'une consternante malhonnêteté et paresse intellectuelle. Si vous voulez vous débarrasser de n'importe quel adversaire idéologique, au prix du moindre effort, il y a un principe enfantin à appliquer: vous ciblez chez celui-ci les plus idiots de tous; vous en trouverez toujours, quelque soit le milieu que vous décidez de combattre, et quelque soit sa nature. On renvoie ici, même s'il serait hasardeux de la prendre au pied de la lettre, à la Deuxième loi fondamentale de la stupidité humaine de C. M. Cippola énonçant que la fraction d'individus stupides est une constante qui n'est affectée par aucune variable socio-culturelle ou historique; un exemple parmi des dizaines possibles est celui qui a été donné sur la façon de ridiculiser d'emblée toute version non officielle des attentats du 11 septembre 2001. Au besoin, et c'est une variante du même principe parfois encore plus commode, quand on n'a rien directement sous la main, on peut aussi se fabriquer, vite fait, à coups de clichés et de poncifs, une caricature sur-mesure de la cause qu'on veut démolir. Je ne citerai pas d'exemple pour ce qui touche la disqualification de la cause animale par ce genre de procédé grotesque: je n'ai pas la moindre envie de faire à ce genre d'individus de la publicité; il est, de toute façon, très facile d'en trouver, étant donné l'étendue de leurs réseaux. Ce qu'on voit ainsi se développer dans ces milieux pour ridiculiser la cause animale, suivant la pente du moindre effort, c'est ce principe très "bête", dont, visiblement ils se satisfont pleinement pour éviter d'avoir à réfléchir à cette question, qui renvoie pourtant, comme toutes les analyses faites ici convergent pour le soutenir, à la racine des problèmes dont souffre la pauvre humanité actuelle. En l'occurence, il sera très difficile, voir impossible (je n'en ai pas connaissance d'un seul, jusqu'à présent, pour tout dire), de trouver un pourfendeur de la cause animale qui prendrait le temps de se casser la tête à réfuter le travail d'argumentation extrêmement dense et fouillé pour fonder et déterminer positivement le contenu des droits des animaux, tel que se sont donnés la peine de l'élaborer S. Donaldson et W. Kimlicka, dans leur ouvrage, Zoopolis. Ils ne doivent, de toute façon, même pas le connaître, puisqu'ils se contentent, pour tourner en ridicule leur adversaire, des papiers vite expédiés qu'ils trouvent dans les grands médias, soit, les versions les plus pauvres et faciles à démolir de la défense de la cause animale, en se confortant très probablement dans l'illusion, qu'ils ont, par ce biais, un compte rendu suffisant de ce qui existe en la matière; c'est une illusion qui est, de toute façon, généralisée, s'étendant à tous les sujets traités de cette manière, comme on l'a déjà assez expliqué sur ce chantier. C'est justement sur ce travail remarquable de fondation théorique des droits des animaux de Donaldson et Kimlicka, que nous nous appuyerons, dans la dernière partie, car, de tout ce que je connais sur le sujet, c'est ce que j'ai pu trouver de plus consistant, en l'état actuel...


(1) Le "presque" tient à ce fait que le dernier pallier qu'il resterait à franchir serait de réaliser l'intégration des végétaux dans ce projet. Chez les Achuars d'Amazonie, par exemple, les plantes étaient considérés comme les enfants (consanguins) des femmes, dont c'était, pour cette raison, la tâche de prendre soin. Ce n'est évidemment pas une exception, mais la règle générale qui s'applique, suivant des modalités variées, à l'ensemble des sociétés primitives, dont il s'agirait, ici aussi, de retrouver une expérience similaire du monde par les voies propres héritées de la rationnalité occidentale. S'attaquer au chantier de la cause animale est déjà, en soi, une entreprise d'une telle ampleur qu'elle suffira ici à sa peine. La défense de la cause des plantes, de toute façon, devrait en  découler tout "naturellement". Un enfant devrait pouvoir le saisir: il est strictement impensable de prétendre défendre la cause animale tout en fondant son rapport aux plantes sur la violence.



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