samedi 8 décembre 2012

2) Aspect de la crise anthropologique des sociétés modernes:lobotomisation par le tittytainment

Dernière mise à jour, 07-04-2018

Société du spectacle et tittytainment
La société du spectacle que véhiculent les médias de masse est ce que Brzezinski, ancien conseiller du président des Etats-Unis, Jimmy Carter, dans les années 1970,  a conceptualisé sous la forme du "tittytainment." D'après ses estimations, l'économie mondiale n'aurait, à l'avenir, besoin que de 20 % environ de la population pour continuer à fonctionner (estimations qui ont pu varier suivant ses périodes: on donne ici le maximum qu'il donnait dans ses bons jours). Le reste est donc censé devenir superflu et constituer une menace pour l'ordre mondial sous hégémonie américaine. Pour y faire face, il a développé ce concept de tittytainment. Nous sommes maintenant outillés pour en comprendre le sens profond. Il s'agit de la contraction de deux termes: le "tit" qui est un mot vulgaire de l'argot (le nichon) et l'entertainment (le divertissement à la sauce américaine). Le "tit", n’est pas à entendre de façon réductrice avec une connotation exclusivement sexuelle (le show télévisé avec des hôtesses au décolleté vertigineux!) Il désigne plus fondamentalement un spectacle qui, de par sa texture même, produit un effet en tout point semblable à celui du lait maternel sur le nourrisson: une profonde léthargie qui découle de la reconstitution du rapport intégralement fusionnel à la mère, la réintégration complète dans la "matrix".


On comprend ainsi mieux pourquoi, pour Brzezinsky, ces dispositifs de la société du spectacle fonctionnent comme des instruments de contrôle de masses devenus économiquement superflues en les maintenant dans un état de passivité, de léthargie et de dépendance. Autrement dit, pourquoi ils constituent, comme le disait R. Debray, les instruments d'une "contre-révolution préventive permanente".


Mac Luhan Jr. attire notre attention sur le fait  que le médium de la lumière directe  excite la zone droite du cerveau qui concerne  les émotions  et laisse à l'état végétatif le côté gauche qui a trait à la réflexion et à l'élaboration d'un discours rationnel. Il en tire trois implications qui nous semblent particulièrement importantes touchant la crise anthropologique des sociétés modernes.
 Premièrement, l'effacement de l'individualité. Ceci est parfaitement compréhensible si nous nous rappelons du fait que l'état narcissique que tend à reproduire la lumière directe est à comprendre par distinction avec une forme d'égoïsme qui résiderait dans l'affirmation du moi: "Le moi minimal ou narcissique est avant tout un moi incertain de ses propres contours, désireux soit de refaire le monde à son image, soit de se fondre dans son environnement (C. Lasch, The minimal self, p. 15 ) Ou encore:" Le narcissisme signifie la perte d'individualité, et non l'affirmation de soi." (ibid., p. 53) L'individualité tend justement à être un obstacle à la reconstitution du rapport fusionnel au tout de sorte que le narcissisme induit plutôt une forme sourde de  haine de soi:"[...] Sennett nous rappelle que la narcissisme est plus proche de la haine que de l'admiration de soi..." (C. Lasch, La culture du narcissisme, p. 63) On se trompe donc de beaucoup quand on qualifie les sociétés occidentales, comme on a l'habitude de le faire, d'individualistes:"Mais il est ridicule de parler d'individualisme quand tous les soirs à huit heures vingt millions de foyers appuient sur le même bouton et voient le même programme." (Cornelius Castoriadis, Une société à la dérive, p. 250-251) Ce qui les caractérise plutôt, c'est l'atomisation et la massification des populations. Les dispositifs technologiques de la société du spectacle permettent de réaliser simultanément deux choses: l'atomisation des individus (chacun est enfermé et isolé chez soi devant son poste et se trouve placé dans les conditions de la société spectaculaire qui rendent de plus en plus vides de contenu les formes de socialisation) Et, dans le même temps, la massification: chacun reçoit à domicile la même soupe qui contribue à le transformer en homme de masse.
 Deuxièmement, cette érosion de l'individualité nous conduit au coeur de ce que Cornelius Castoriadis avait appelé " l'effondrement interne de la civilisation occidentale". Son  grand apport à l'humanité avait été la création d'un sujet réflexif, autonome, ayant développé l'intelligence critique pour mettre en question, discuter, et, éventuellement, altérer les significations instituées de la société. C'est, par exemple, tout le sens de la première phrase d'un des textes fondateurs de la modernité philosophique, Les Méditations métaphysiques de Descartes:"Il y a déjà un certain temps que je me suis aperçu que j'avais reçu quantité d'opinions fausses pour véritables." L'érosion que les dispositifs technologiques de la société du spectacle font subir à cet héritage entraîne une terrible perte de sens quant à ce que la civilisation occidentale peut encore apporter à l'humanité en dehors d'armes de destruction massive et de gadgets technologiques.
Enfin, l'érosion de l'individualité dans cette culture du narcissisme prépare le terreau idéal sur lequel une forme inédite de totalitarisme pourrait se développer. L'atomisation par l'isolement qu'elle signifie et la massification par l'état de passivité qu'elle représente, constituent les deux effets conjoints des formes spectaculaires de vie des sociétés modernes; elles vont main dans la main et préparent sociologiquement et psychologiquement les conditions d'une domination totale pour cette raison déjà très élémentaire:"Seul l'individu isolé peut être totalement dominé." (H. Arendt) Le type anthropologique qui se forme suivant ce double processus d'isolement et de massification est ce que G. Anders avait cerné au mieux avec le concept d'ermite de masse.

 Nature de la propagande dans la société du spectacle
Lasch nous parle du consommateur de marchandises. Quel rapport entretient l'univers des marchandises avec celui des images des médias de masse? La distinction que faisait Ellul entre propagande sociologique et propagande directe est requise pour comprendre pourquoi marchandise et image des médias de masse composent un même univers dévolu à la consommation de masse. La propagande sociologique est celle qui travaille en profondeur la psyché (l'âme), et qui cherche à la modeler entièrement en vue d'un certain "way of life" (un mode vie). L'image éclairante qu'en donne Ellul est celle du travail de labour de la terre qui rendra celle-ci prête à être ensemencée.
Les images des médias de masse constituent cette "propagande sociologique"  qui compose une sorte de bain culturel dans lequel on infuse en permanence (1) Ainsi, par exemple, la valeur des actualités télévisées ne tient pas tant à leur teneur informationnelle qu'à leur caractère de nouveauté:"Les reportages des actualités télévisées doivent même être compris, non pas comme de la propagande en faveur d'une idéologie particulière, libérale ou conservatrice, mais comme de la propagande en faveur des marchandises [...] La valeur des actualités, comme celle de n'importe quelle autre marchandise, réside principalement dans leur nouveauté, en second lieu seulement dans leur valeur informationnelle." ( Lasch, Le seul et vrai paradis, p. 644) Le "way of life" que génère cette propagande sociologique, c'est la soif constamment renouvelée de nouveautés, l'achat compulsif qui pousse par exemple l'enfant à réclamer sans arrêt de nouveaux jouets:" si les jouets deviennent plus fréquents, la valeur se transfère graduellement du jouet à la nouveauté du jouet (...) L'arrivée du jouet, non le jouet lui-même, devient l'événement." Les actualités doivent en conséquence, être envisagées comme les "jouets d'un enfant dont l'appétit de jouets a été astucieusement stimulé."" (ibid., p. 644) Cette soif permanente de nouveautés est produite structurellement par un ordre capitaliste qui ne peut se reproduire que par l'innovation constante, comme l'avait déjà très bien montré Marx au XIXème siècle.
Cette propagande sociologique sur laquelle pourra se greffer efficacement la propagande directe de la publicité n'est donc plus une propagande pour une idéologie quelconque, de droite ou de gauche, mais, fondamentalement, une propagande en faveur de l'univers des marchandises:"Le spectacle est une guerre de l'opium permanente pour faire accepter l'identification des biens aux marchandises."(Guy Debord, La société du spectacle, 44) L'image de la "guerre de l'opium" n'est pas innocente. Une société qui a pour condition de possibilité d'entretenir de façon permanente un état de frustration, de dépendance et de soif de nouveautés doit produire structurellement un fantastique marché de la drogue. Nous sommes finalement conduits à nous demander si les images de la société du spectacle et les substances comme  la cocaïne ne répondent pas à une même demande? "Les drogues ne constituent que la forme la plus évidente de dépendance [...] mais le besoin de drogues - c'est-à-dire le besoin de marchandises qui soulagent de l'ennui, et satisfont le désir socialement stimulé de nouveauté et d'excitation- découle de la nature précise d'une économie consumériste." (Christopher Lasch, Le seul et vrai paradis) Nous avions noté que le téléspectateur recherche l'effet du médium lui-même. Or, celui-ci est en tout point semblable à la sensation que procure une drogue. L'état de béatitude que procure une dose d'opium vient de ce qu'elle permet de reconstituer l'état océanique de fusion avec le tout qui était initialement celui du foetus baignant dans le liquide amniotique intra utérin. Sous une forme diluée, c'est exactement l'effet que procure la lumière directe des dispositifs technologiques, en ayant sur les substances psychotropes, de surcroît, un certain nombre d'avantages qui ajoutent à leur formidable pouvoir de séduction: elles sont parfaitement admises et intégrées dans la société au contraire des drogues qui marginalisent leurs usagers; leur effet est instantané et leur offre est illimitée les rendant accessibles à très bon marché.

Lavage de cerveau et société du spectacle.
La fin du documentaire de Peter Entell, avec l'intervention de Krugman nous invite à faire le rapprochement entre les techniques de lavage de cerveau et les effets psychotropes de la lumière directe des images de la société du spectacle. Le lavage de cerveau tel qu'il fut théorisé dans les années 1950 par des psychiatres travaillant pour la CIA comme E. Cameron obéit à deux phases qui présentent de troublantes similitudes avec les processus à l'oeuvre dans le "tube" (la télévision):
a) Privation sensorielle:"L'individu est d'abord coupé de tout [...] On ne peut pratiquer cette action que sur l'homme mis en cellule ou dans un camp." (Jacques Ellul, Propagandes, éditions Economica, p. 329)
b) Surcharge de stimuli:"Cet homme étant placé dans ces conditions est soumis à un bombardement de slogans..." (ibid., p. 330)
Comme le résume A.W. McCoy dans son histoire des techniques de torture depuis l'Inquisition," la privation sensorielle suivie d'une surcharge de stimuli, "constitue la première véritable révolution de la cruelle science de la douleur en plus de trois siècles."" (cité par Naomi Klein, La stratégie du choc) Evidemment, les processus à l'oeuvre dans le cas du téléspectateur s'ils sont en tout point semblables à ceux employés pour le lavage de cerveau, sont beaucoup plus diffus. On pourrait dire que ce qu'on trouve à l'état chimiquement pur dans les techniques de lavage de cerveau se retrouve dilué dans le confort moelleux de la banquette face au poste de télévision. Une autre différence notable tient au fait que si la privation sensorielle et le bombardement de stimuli constituent deux séquences distinctes de la technique du lavage de cerveau, elles se déroulent de façon concomitante (simultanée) dans le cas du téléspectateur.
a)Privation sensorielle
Dans la technique du lavage du cerveau il s'agit de commencer par priver suffisamment longtemps le sujet de l'usage de ses sens tant externes (le renseignant sur le monde extérieur) qu'internes (lui donnant à sentir son propre corps) E. Cameron procéda ainsi avec ses cobayes:"Il éteignait les lumières, mettait des lunettes noires sur les yeux de ses patients et des bouchons en caoutchouc dans leurs oreilles, puis il posait des tubes en carton sur leurs mains et leurs bras, mesure qui, comme il l'écrivit lui-même dans un article de 1956, "les empêchait de se toucher et court-circuitait l'image qu'ils avaient d'eux-mêmes."" (Naomi Klein, La stratégie du choc) C'est en prenant comme illustration des cas ou la phase de privation sensorielle n'a pas été correctement menée qu'on aperçoit mieux comment elle est la condition préalable pour que réussisse pleinement un lavage de cerveau. Les victimes des tortionnaires, en particulier dans les pays d'Amérique latines où les Etats Unis soutenaient des régimes de type néo fascistes, racontent, pour celles qui ont pu survivre, qu'elles parvenaient à ne pas sombrer totalement en percevant au dehors le pépiement des oiseaux au lever du jour ou le bourdonnement d'un avion comme repère temporel.
La lumière directe des images télévisées permet d'obtenir un résultat semblable: il suffit d'observer un enfant devant le poste de télévision: il tend à être privé de tout stimulus provenant du monde extérieur et à perdre ainsi la notion de la distinction entre le Moi et le non Moi: voyez Zoé au début du documentaire de Peter Entell, Le tube. On a beau l'interpeller à voix haute, elle n'entend plus ce qui provient de son environnement extérieur; elle est, comme dit la formule, "dans sa bulle".
b) Bombardement de stimuli
La privation sensorielle prépare le terrain pour la deuxième phase du lavage de cerveau, la surcharge de stimuli. Des chocs électriques, au tournage en boucle de messages audios en passant par des bombardements de lumières kaléidoscopiques, il existe, dans ce domaine toute une gamme de procédés. L'effet le plus significatif de l'ensemble du processus est de faire régresser la personnalité du sujet vers des formes de plus en plus infantiles de développement où elle finit par être sous le contrôle total du tortionnaire. Celui-ci  apparaît alors comme une figure paternelle aux yeux de l'enfant qu'est redevenu le sujet; c'est à ce moment que la victime se retrouve totalement à la merci de son bourreau et a abdiqué toute volonté propre. C'est de là que vient ce que l'on a appelé le syndrome de Stockholm, cet étrange trouble psychologique qui fait que la victime finit par tomber amoureux de son bourreau:"Au fur et à mesure que le sujet glisse de la maturité vers un stade plus infantile, les traits de sa personnalité , acquis ou structurés se désagrègent [...] la privation de stimuli provoque une régression en empêchant le sujet d'avoir des contacts avec le monde extérieur, ce qui l'oblige à se replier sur lui-même. En même temps, la présence de stimuli bien dosés pendant l'interrogatoire fait en sorte que le sujet en régression tend à voir en l'interrogateur une figure paternelle.". (extrait du manuel Kubark de la CIA portant sur "les méthodes d'interrogatoire des sujets récalcitrants." cité par N. Klein, ibid., pp. 64-65)  De la théorie à la pratique, nous avons, par exemple, ce témoignage d'un aumônier qui a pu visiter le camp de Guantanamo et les prisonniers qui avaient été soumis à ce traitement:"Je m'arrêtais pour leur parler et ils me répondaient d'une petite voix enfantine en tenant des propos décousus. Nombre d'entre eux chantaient des comptines à tue-tête et les répétaient sans cesse. D'autres grimpaient sur leur lit de fer et se comportaient de façon puérile. En les voyant, j'ai songé à un jeu auquel nous jouions, mes frères et moi, quand nous étions enfants." (cité par N. Klein, ibid., p. 73)
Dans les formes spectaculaires du médium de la télévision, la surcharge de stimuli correspond au rythme frénétique suivant lequel se succèdent les images que véhicule la lumière directe du poste. On sait l'importance qu'accorde l'industrie culturelle à produire des contenus au rythme saccadé où un plan doit rapidement succéder à un autre. Cette surcharge présuppose donc, pour être efficace, les conditions d'un isolement préalable, ce que Guy Debord avait bien repéré:" l'emploi généralisé des récepteurs du message spectaculaire fait que son isolement se retrouve peuplé des images dominantes, images qui par cet isolement seulement acquièrent leur pleine puissance." (La société du spectacle, 172) C'est ici qu'il convient de nuancer la thèse de Mc Luhan. Un chef-d'oeuvre cinématographique comme le Andreï Roublev de Tarkovski composé de longs plans fixes ne se composera pas de la même façon avec le médium de la lumière directe que La roue de la fortune! Il faut introduire ici la distinction entre deux formes d'attention complètement opposées qu'autrement on confond: l'attention dirigée ou l'attention captée. Cette dernière s'est formée au cours de l'évolution de la vie avec cet avantage qu'elle procurait d'avertir un animal d'un danger le menaçant, un prédateur approchant, par exemple. Or, ce qui est mobilisé de façon tout à fait ponctuelle dans la vie l'est en permanence dans la forme donnée aux émissions de télévision pour scotcher littéralement le cerveau à l'écran. Ce qui est ainsi sapé, c'est l'attention dirigée, celle que nous activons volontairement face à une tâche que nous nous donnons à faire (rédiger un texte, fabriquer un objet, etc.) La qualité du contenu peut donc amplifier ou non les effets du médium. Une émission étant construite suivant un rythme élevé du changement de l'image jouera un rôle de caisse de résonance amplifiant les effets régressifs du médium d'où l'importance qu'une chaîne commerciale comme TF1 attache à produire des contenus de ce type, pour garder capté l'attention, et ainsi conquérir ses parts d'audience:"Nos émissions ont pour vocation de rendre [le cerveau du téléspectateur] disponible: c'est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible..." (P. Le Lay, ex. PDG de TF1)
Le paradoxe de ce processus visant à produire de "la quantité de cerveau humain disponible", signalant que c'est désormais l'attention captée (à ne surtout pas confondre avec l'attention dirigée) des populations qui est devenue une marchandise que l'on s'arrache à prix d'or, comme le philosophe Gunther Anders en avait fait la remarque , tient au fait que le téléspectateur est employé comme un travailleur à domicile d'un genre tout à fait nouveau collaborant à la production de sa propre aliénation qui, elle aussi, est devenue une marchandise vendue à Coca Cola. Loin d'être rémunéré pour sa collaboration à sa production en tant que "quantité de cerveau humain disponible", il doit au contraire la payer! (achat du poste, alimentation en électricité, abonnement à des bouquets de chaînes...) Le travailleur à domicile de la société du spectacle paie pour collaborer avec TF1 à la production de soi en tant que "temps de cerveau humain disponible" vendu à Coca Cola:"Le processus tourne même résolument au paradoxe puisque le travailleur à domicile, au lieu d'être rémunéré pour sa collaboration, doit au contraire lui-même la payer, c'est-à-dire payer les moyens de production dont l'usage fait de lui un homme de masse [...]. Il paie donc pour se vendre. Sa propre servitude, celle-là même qu'il contribue à produire, il doit l'acquérir en l'achetant puisqu'elle est, elle aussi, devenue une marchandise." ( G. Anders, Le monde comme fantôme et comme matrice dans L'obsolescence de l'homme, 1956)



(1) On a pu calculer que regarder la télévision était devenu, en moyenne, la deuxième activité, après le sommeil, à laquelle on consacre le plus de temps, soit, à partir de cinq ans et pour une espérance de vie de 80 ans, quelque chose comme 123 187 heures, l'équivalent de quatorze années entières! Ces données permettent de comprendre pourquoi Guy Debord faisait de la société du spectacle "le moment où la marchandise est parvenue à l'occupation totale de la vie sociale." (La société du spectacle, 42) La réduction du temps de travail occupé à la production de marchandises par le travailleur-spectateur permet, en contrepartie un accroissement du temps de loisir occupé essentiellement à leur consommation:"on sait que les gains de temps constamment recherchés par la société moderne - qu'il s'agisse de la vitesse des transports ou de l'usage des potages en sachet- se traduisent positivement pour la population des Etats Unis dans ce fait que la seule contemplation de la télévision l'occupe en moyenne entre trois et six heures par jour." (La société du spectacle, 153) Ce qui est remarquable et étrange tient au fait que les deux choses auxquelles nous consacrons, en moyenne, le plus de temps dans la vie sont consacrées au sommeil: celui de la nuit et celui éveillé du téléspectateur.
Néanmoins, une étude datée de 2017 semblerait montrer une baisse importante du temps passé à regarder la télévision depuis 2010, surtout chez les jeunes; resterait à voir, en contre-partie, le temps accumulé devant d'autres dispositifs du medium de la lumière directe, pour ne pas se réjouir trop vite, d'autant qu'il est douteux que cette étude intègre le fait que les chaînes de télévision se contemplent désormais surtout par ces nouveaux canaux. Ce qu'on observe généralement dans les sociétés industrielles, c'est un phénomène d'empilement plutôt que de remplacement, que ce soit aussi, par ailleurs dans l'usage des moyens de transport ou dans celui des énergies exploitées:


On se rassurera d'autant moins avec l'intervention de M. Desmurget, neurophysiologiste de son état, dans TV lobotomie, qui synthétise une cinquantaine d'années de recherche dans ce domaine:






























2 commentaires:

  1. Super article, justement ce semestre prochain j'ai choisi d'étudier l'anthropologie de la vie moderne, quelque chose de très intéressant avec une réflexion pareille je pense que tout ces cours m'ont vraiment servi, c'est bien pour ça que je viens relire souvent vos articles. D'ailleurs j'ai lu le don, la dette et l'identité, je l'ai trouvé absolument super, très simple a comprendre et riche en exemple.
    Merci

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