mercredi 1 mars 2023

Le syndrome du vol au-dessus d'un nid de coucous

 A celles et ceux qui perpétuent l'esprit de la France de Vichy
 
Après 26 ans passés dans l'Education Nationale, je suis aujourd'hui officiellement à la retraite en tant qu'invalide absolument inapte à exercer quelque fonction que ce soit, car dotée d'une personnalité de type schizoïde, selon les termes même de l'expertise médicale.
Il faut donc prévenir tout de suite: tout ce qui a été structuré sur ce blog depuis 2010, et l'article qui va suivre en particulier, sont l'oeuvre d'un cinglé qu'il vaut mieux ne pas prendre au sérieux..

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 Commençons par faire un survol de ce qu'a été mon parcours au sein de l'institution scolaire depuis 1995. Ce qui en ressort en guise de synthèse est assez "drôle", si on ose dire. On peut le décomposer en deux moitiés. Dans la première, j'estime avoir livré aux élèves un enseignement médiocre, dont il n'ont sans doute pas dû retenir grand chose, en cherchant à me calquer sur la norme de ce qui se fait en la matière et qu'on trouve dans les manuels scolaires. Et tant que j'en suis resté là, on ne m'a jamais fait de problème. Intérieurement, cette situation est pourtant devenue de plus en plus pénible à vivre, de savoir en particulier que la société me payait pour faire quelque chose d'aussi stérile et d'avoir face à moi des élèves plongés dans un ennui abyssal, ne pouvant rien retirer pour leur vie future ce que j'enseignais. La transition vers la deuxième phase s'est faite lentement, laborieusement, l'ouverture de ce blog en 2010 marquant pour ainsi dire le basculement vers un enseignement faisant de plus en plus sens. Et c'est précisément à partir de ce moment que les ennuis ont commencé, s'accumulant d'année en année, au point de me conduire là où j'en suis aujourd'hui.
Première morale de l'histoire: rester dans la médiocrité pour qu'on vous laisse tranquille.
 
La façon dont ces ennuis se sont accumulés est pour moi très instructive. Partons de cela: la démocratie grecque de l'antiquité avait une procédure pour écarter quelqu'un qu'on estimait dangereux pour la cité qui s'appelait "l'ostracisme". Mais, c'était une procédure institutionnalisée, qui donnait lieu à un vote à l'issu d'un débat public. Quand quelqu'un avait été l'objet d'une telle mesure, c'était étalé au grand jour et su de tous. Mon cas personnel se pense au mieux sous cette catégorie à cette immense différence près que l'ostracisation est devenue informelle, invisible (on pourrait répliquer le même type d'analyse pour le clientélisme: comment les riches se payent les services de pauvres en en faisant leurs clients fidèles. Dans la république romaine de l'antiquité, il était, lui aussi étalé au grand jour; de nos jours, il se fait dans l'ombre, honteusement), orchestrée par une petite clique dans l'indifférence générale du reste de la population 
 
 
A vrai dire, mon cas personnel n'a, en soi, guère d'importance. Je ne suis socialement qu'un insignifiant tâcheron ayant appartenu au prolétariat de l'enseignement de philosophie. Par contre, là où il commence à en prendre, c'est au sens où il me semble révélateur de tendances lourdes travaillant la société, d'autant plus redoutables qu'elles sont complètement invisibilisées.
Ici, je ne me fais guère d'illusion: les stratégies de la psyché humaine pour nier l'évidence sont d'une efficacité redoutable; on pourra, par exemple, croire que je raconte des salades alors même que la plupart des faits ici relatés seraient assez facilement vérifiables, surtout ceux concernant les deux premiers volets qui vont être abordés; ceux se rapportant au troisième volet, ce serait beaucoup plus difficile à faire: maintenant, si je dis la vérité sur les deux premiers, pourquoi je me mettrais à mentir sur le troisième? Même avérés, il restera toujours le déni de réalité qui permet de rester aveugle à ce qu'on a sous les yeux, comme dans le cas d'une femme qui ne reconnaît pas sa grossesse. Circonstance particulièrement aggravante, ajoutons, comme nous invitait à le faire le très sérieux Oxford english dictonnary, dès 2016, que nous sommes peut-être bien rentrés dans un nouveau régime, celui de la "post-vérité" et de la production des "faits alternatifs" l'accompagnant nécessairement, pour reprendre l'expression désormais fameuse du clan Trump, qui fait qu'il y a fort à craindre qu'il deviendra à l'avenir de plus en plus problématique de pouvoir établir les faits même les plus élémentaires. Tentons quand même le coup, d'autant plus que mon cas constitue justement une belle illustration de ce nouveau régime du monde.
suivant une triple incapacité, à communiquer avec les parents d'élèves, avec les élèves eux-mêmes, et enfin, avec les collègues de travail. Reprenons dans l'ordre, ce qui relève factuellement, à chaque fois, d'un monde inversé.

 -Incapacité à communiquer avec les parents d'élèves. C'est effectivement le monde mis la tête en bas puisque les parents qui sont venus se plaindre de moi l'ont fait dans mon dos, de façon totalement anonyme, en s'adressant directement aux services administratifs sans jamais m'avoir laissé la moindre possibilité de "communiquer" avec eux. Mais, c'est donc moi qui suis affligé d'une incapacité à "communiquer". Suite à ces plaintes, j'ai eu droit, conformément à la procédure en vigueur, à la visite de l'inspectrice de philosophie qui n'a rien trouvé à redire à mon travail d'enseignant, qui m'a apporté son soutien en précisant que ce n'était effectivement "pas normal", pour reprendre ses termes, que ces parents ne viennent pas s'expliquer devant moi, pour me formuler leurs reproches. J'ai évidemment ma petite idée sur les raisons non avouables de cette lâcheté et l'inspectrice elle-même m'a confirmé dans mon hypothèse en m'avouant qu'il y avait, je la cite encore, "peut-être des raisons politiques". Nous voilà déjà assez loins du terrain de la psychiatrie. C'est le même type de mécanisme qu'on retrouve ayant présidé aux ennuis qu'a eu autrefois cette professeure de physique, Mme Schulmann, car elle avait eu le malheur, pour une fois, de ne pas prendre les Schtroumpfs, comme c'est l'usage, pour illustrer un exercice qu'elle donnait aux élèves, mais, dans le but d'éveiller leur esprit critique d'après la devise humaniste, "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme", le problème qui se posait aux ingénieurs du IIIème Reich, de calculer la quantité de gaz qu'il fallait, étant donné un volume à remplir, pour liquider les gens dans les camps de la mort. Suite aux plaintes de parents d'élèves, on a fini par l'accuser de "négationnisme" (sic), alors que tout son exercice reposait sur la reconnaissance de l'existence des chambres à gaz. C'est typique, ici aussi, d'un monde inversé: dans un cas, l'incapacité à penser la Solution finale est reportée sur cette pauvre Mme Schulmann, dans l'autre cas, l'incapacité des parents à communiquer est transférée sur moi. C'est à rapprocher du mécanisme que la psychanalyse a décrit comme étant justement celui du transfert pour permettre à la pulsion d'échapper à la censure de la conscience: ici, pour le coup, nous revenons sur le terrain de la psychiatrie, mais pas du côté où on le supputait...J'ai eu, en une occasion, des parents qui sont venus me rencontrer, car leur fille avait été extrêmement choquée que j'ai pu développer en classe l'idée que le Téléthon relève d'une opération de propagande alors qu'elle s'y était visiblement engagée avec enthousiasme depuis de nombreuses années; et, sur ce cas précis, tout s'est bien terminé, les parents, suffisamment ouverts d'esprit, ayant pu entendre mes arguments. Malheureusement, ce n'était donc qu'un cas isolé. Voilà, en tout cas, qui confirme l'analyse que j'avais mené dans la note 1 du traitement de ce sujet, il y a déjà sept ans de cela, où je pronostiquais que le management post fordiste par le client-roi risquait de plus en plus de se développer au sein de l'Education Nationale, via le contrôle parental: je ne croyais pas si bien dire; ainsi, l'inspectrice elle-même me faisait remarquer que les plaintes se multipliaient en ce sens (les deux autres panneaux de ce nouveau management, l'autocontrôle et le contrôle informatique, étant eux aussi en bonne voie d'avancement; dans mon cas personnel, pour l'autocontrôle, se rapporter à ma troisième "incapacité"; pour le contrôle informatique, on peut être tranquille: ce blog étant en accès libre, n'importe qui peut venir, de façon totalement anonyme, espionner ce que je fais).
Ajout du 22-10-2020. Comme, c'est ironique. Suite à l'assassinat de M. Paty, le président de l'Assemblée Nationale commence à se demander s'il ne faudrait pas que "les parents d'élèves foutent la paix aux profs" en croyant savoir mieux qu'eux comment enseigner.

-Incapacité à communiquer avec les élèves. J'ai, sur ce blog, un échantillon de témoignages d'anciens élèves, à la date du mois de juillet 2015, quand j'en étais arrivé au point où je n'ai plus eu le courage de poursuivre le travail entrepris ici. Il ne me semble pas qu'ils dénotent une incapacité à m'ouvrir aux élèves. J'ai plutôt l'impression d'avoir été pour eux, d'après ce qu'ils disent, un des rares enseignants, voir le seul, à leur avoir donné une raison sérieuse de cirer les bancs de l'école pour en tirer quelque chose de substantielle en vue de leur vie future d'hommes et de femmes: de ce point de vue, les meilleurs élèves que j'ai eu n'étaient pas nécessairement les plus brillants intellectuellement, mais celles et ceux qui ont su se réapproprier ce que j'ai enseigné pour le réinventer à leur sauce, suivant des modalités que je n'imaginais même pas forcément: toute véritable réception est une recréation, comme le formulait bien Castoriadis. Il m'est même arrivé, quelques fois, de voir des élèves qui n'étaient pas dans mes classes, venir assister à l'un ou l'autre de mes cours, par simple curiosité. Je constate que la règle qui prévaut dans les établissements scolaires se situe plutôt à l'opposé: en général, ils ne viennent en cours que contraints et forcés de peur d'avoir à être noté absent. J'ai bien sûr eu des problèmes avec certains élèves mais quel enseignant n'en n'a pas eu? Et j'ai eu vent de collègues de philosophie qui en ont eu de bien pires que moi mais pour diverses autres raisons beaucoup moins perturbantes; par exemple, une dont les élèves ne comprenaient à peu près rien à ses cours (en France, c'est plus ou moins rentrée dans les moeurs puisque ce pays est devenu une des terres d'élection du jargonnage impénétrable depuis un bon demi-siècle déjà: au moins, de cette façon, les élèves peuvent avoir la vague impression qu'on leur enseigne de la philosophie). Voilà qui conduit au dernier volet, sans doute le pire.
-Incapacité à communiquer avec les collègues de travail. La première alerte a retenti en 2012, quand une collègue est allée directement se plaindre au rectorat, dans mon dos, en invoquant le fait que j'aurais assimilé son fils que j'avais dans une de mes classes à un chien. J'avais simplement eu le malheur de mettre en marge de sa copie une alusion à la fable de Lafontaine, Le chien et le loup, distribuée aux élèves en annexe du corrrigé, pour lui indiquer que le chien préférait la sécurité matérielle que lui apportait le maître à la liberté du loup. Mais, c'était manifestement  déjà surestimer les capacités intellectuelles en présence que de tenir pour acquis le sens de ce qu'est une fable, chez Lafontaine en particulier. Tout cela s'est fini par une réunion dans le bureau du proviseur, qui, dans ce cas, a bien compris que toute cette accusation était parfaitement ridicule et a classé l'affaire. Un an et demi plus tard, dans un autre établissement du département, les choses ont cette fois été bien pires. Ici on m'a fait vivre un véritable enfer, du fait que j'ai eu le malheur d'avoir en classe le fils d'un autre collègue, enseignant de surcroît en philosophie comme moi. Alors même que je ne savais à qui  j'avais affaire au départ, dès la deuxième séance de cours, je me suis demandé pourquoi diable cet élève m'avait visiblement pris en grippe. Et c'est allé de pire en pire, contaminant très vite toute l'ambiance de la classe, alors même que j'ai essayé vainement d'arrondir les angles; par exemple, au cours d'un contrôle improvisé que j'ai imposé à la classe, étant donné l'attitude déplorable qui s'était généralisée, le fils du "collègue" a dormi affalé sur sa table tout du long sans écrire le moindre mot. J'ai voulu le laisser tranquille pour ne pas envenimer les choses, et, dès qu'il s'est réveillé, à la sonnerie, il n'a rien trouvé de mieux à faire que de continuer à me prendre en grippe; c'en était trop: je lui ai alors mis un 0/20 sur sa feuille blanche. J'ai même cru un jour qu'il allait me frapper quand il s'est dressé furieux juste devant moi car il contestait la note que je lui avait mis, un 10/20; un autre élève a fini par le ceinturer pour le calmer. Au départ, il était incapable de rédiger un texte structuré en bon français (mais c'était évidemment la faute de ma pédagogie déplorable), puis, subitement, il s'est mis à me rendre des devoirs parfaitement maîtrisés du début à la fin dans une langue impeccable qui auraient facilement pu prétendre à la note maximale de 20/20 à l'épreuve du baccalauréat; pas besoin d'être très futé pour deviner que c'était le père qui était derrière; j'ai alors suivi la règle que celui-ci appliquait lui-même: quand il n'est pas sûr d'avoir affaire à un travail personnel, il note 10 (en l'occurrence il s'agissait ici de plus qu'un doute, mais d'une certitude).  Par ordre de comparaison, j'avais eu l'année précédente, dans un autre lycée, la fille du proviseur, un ancien professeur de philosophie (le seul que j'ai connu qui a été en mesure de vraiment apprécier positivement mon travail d'enseignant, cela mérite d'être dit en passant), avec laquelle je n'ai jamais eu aucun problème, ni le moindre doute sur le caractère personnel des devoirs rendus.
Mais le "collègue" en question, lui, était fait d'une toute autre farine, et il n'a eu de cesse de souffler sur les braises et tout cela s'est finit par une réunion avec les responsables de l'administration qui se sont tous couchés devant lui où il m'a reproché absolument tout et n'importe quoi: ma pédagogie désastreuse, mes corrigés beaucoup trop longs, le manque de références philosophiques, ma volonté de vouloir aller trop loin dans le traitement des sujets (sic), ma proprension à chercher à démasquer la duplicité de notre monde, pendant que, de mon côté, j'en étais parvenu à tel état d'épuisement que je n'étais déjà plus en mesure de me défendre; j'ai accepté alors, comme le proviseur m'y invitait, de retirer à son fils le 0/20 que je lui avais mis en contrepartie d'une colle qu'il n'a peut-être bien jamais faite, puisque je me suis mis très vite après en arrêt de travail. J'avais pourtant eu, quelque temps auparavant, un entretien avec ce même proviseur, dans son bureau, qui me montrait qu'il devait au moins avoir des doutes sur la version de mon "collègue"; certains élèves qui n'étaient probablement pas dupes, eux, ont préféré bien sagement se tenir à l'écart de tout ça, ce qui est fort compréhensible. Il faut savoir ici qu'ayant un service de TZR éclaté sur plusieurs établissements, j'étais totalement livré à moi-même dans ce lycée, pendant que, de son côté, il a activé tout son réseau de relations pour me couler, réseau bien établi et entretenu depuis des années et dont  il ne m'étonnerait pas qu'il ait continué à l'activer plus tard. Peu importe, au fond: dans tous les cas, il est clair que ce type me vouait une véritable haine, probablement, ici aussi, pour des raisons idéologiques, haine qui s'est évidemment répercutée sur son fils. On doit bien faire ici le lien avec ma première "incapacité" celle à communiquer avec les parents. Il a ainsi eu le toupet de m'affirmer qu'il y avait des parents d'élèves de cette classe qui étaient choqués que je m'acharne sur son fils, des parents que, bien sûr, je n'ai jamais eu l'occasion, ici aussi, de connaître et qui devaient figurer dans son réseau de relations. Dans de telles conditions, je ne pouvais pas faire le poids. Quoiqu'il en soit, c'est de nouveau ici le monde mis à l'envers: cet élève présentait tous les symptômes de la paranoïa qui en faisait un persécuté-persécuteur, peut-être bien les pires qu'on puisse avoir en classe: puisqu'il se sentait persécuté par moi, fort logiquement, il n'a eu de cesse de me pourchasser, quoique je fasse. Mais, bien entendu, c'est à moi auquel on a fait endosser le rôle du persécuteur.

Etant donné le projet d'enseignement ici mis en chantier, dans la filiation de celui des instituteurs syndicalistes du début du XXème siècle, dont il ne reste quasiment plus rien aujourd'hui (je n'ai, en tout cas, jamais rien vu autour de moi qui allait dans ce sens), il est de toute façon dans l'ordre des choses que je me sois retrouvé complètement esseulé dans l'EN, d'où mon incapacité pathologique à "communiquer". Une anecdote me semble assez bien résumer l'écho que peut rencontrer parmi les collègues, ce genre de projet d'instruction et la misère intellectuelle qui règne en lieu et place. Elle concerne une autre enseignante de philosophie clairement située politiquement à l'extrême-gauche, quelqu'un qui est donc dans une posture de contestation des pouvoirs en place. On pourrait donc s'attendre au cas de figure le plus favorable pour trouver du soutien. D'après une remarque qu'elle m'a fait un jour en passant, j'en conclus que c'était plutôt de la jalousie et du ressentiment qui dominait chez elle à l'endroit de ce que je faisais, car elle voyait les élèves qui étaient dans une attitude de contestation être décidément trop attirés par mon enseignement; je lui volais pour ainsi dire son marché, sans même le faire exprès. D'ailleurs, quand j'ai eu l'occasion de la croiser une fois ou l'autre en dehors du cadre du lieu de travail, je sentais bien qu'elle n'était pas très à l'aise avec moi et ne cherchait surtout pas à prolonger la rencontre. Ce qui est tout à fait significatif, c'est qu'elle a été, elle aussi, inquiétée il y a quelques années. Mais, pourquoi donc? Pour les contenus d'enseignement de philosophie qu'elle délivrait? Absolument pas: on lui a fait un procès car elle est allée manifester dans la rue avec les élèves de façon visiblement trop vindicative. Voilà qui situe bien, je crois, où l'on en est du niveau d'instruction pour la formation d'un esprit critique: aller brailler dans la rue avec les élèves des slogans aux autorités; c'est quand même plus facile que d'élaborer un projet d'enseignement tel que celui mis en oeuvre ici. J'ai, par exemple, pu constater qu'elle ne comprenait rien au b-a-ba de l'économie de marché actuelle, quand, en particulier, on prétend faire du travail une marchandise obéissant à la loi de l'offre et de la demande; l'économie ça ne l'intéresse pas, de toute façon, comme elle le reconnaissait sans problème. Comment voulez-vous, dans ces conditions, qu'elle puisse donner aux élèves des outils d'analyse critique pour saisir un monde dans lequel ils vivent, où l'économique tend à dominer toutes les sphères de la vie sociale?
Evidemment, pour régler son problème, à la différence du mien, elle a pu mobiliser tout son réseau de relations dans les milieux de la gauche dite "radicale". Ouf, nous voilà rassuré à propos de la résistance sur laquelle on peut compter dans le milieu scolaire. Et j'ai été assez bête à l'époque pour vouloir lui apporter mon soutien. Un collègue de philosophie que j'avais connu en fin de carrière, qui l'avait fini dans un état dépressif, se moquait de moi en me comparant à l'Idiot de Dostoïevski; je l'avais mal pris à l'époque, mais, j'ai fini par admettre qu'il avait visé juste. Il m'avait quand  même précisé qu'il fallait plutôt le prendre comme un compliment, même s'il était assez habile pour manier la dérision. Il faut bien distinguer ici deux types d'idiot: les idiots utiles qui ont toujours joué un rôle important en vue d'être instrumentalisés par des intérêts de pouvoir pour leur plus grand profit. Puis, la catégorie à laquelle j'appartiens, des idiots inutiles destinés à rejoindre la masse des surnuméraires, ces gens dont on ne sait pas quoi faire et qui sont donc en trop.
 Une autre des leçons à tirer de ces destins parallèles, c'est que plutôt que de s'entêter bêtement à élaborer un enseignement de philosophie, il vaudrait mieux me recycler dans des cours de formation aux techniques de grève pour promouvoir l'esprit critique suivant l'air du temps, l'ironie de la chose étant que c'est à moi qu'on a attaché la rumeur de ne pas faire de la philosophie; j'en conviens, ma façon de procéder n'est pas orthodoxe et c'est là une tare rédhibitoire dans le cadre d'un enseignement de masse qui fonctionne par mimétisme.
Je pense pourtant que mon cas, justement parce qu'étant invisibilisé, en ayant été déplacé sur le terrain du thérapeutique plutôt que du punitif, et prenant ainsi place au milieu d'une indifférence généralisée et glacée, est très révélateur du degré d'avancement de ces tendances qu'Orwell voyait se dessiner en 1948. Qu'il n'interpelle visiblement personne est un indice pour le moins guère rassurant sur le degré de résistance de la société à ces tendances. Il laisse en tout cas grandement douter sur le fait qu'Orwell ait été entendu lorsqu'il voulait donner à comprendre la leçon qu'il fallait tirer du monde qu'il imaginait:"Ne permettez pas qu'il se réalise. Cela dépend de vous." (Déclaration non publiée sur 1984, Ecrits politiques, p. 356) Si cela pouvait intéresser quelqu'un (mais je ne rêve plus), on ne saurait trop conseiller ici la lecture d'un autre auteur important du XXème siècle, C. Lasch, notamment son ouvrage, La culture du narcissisme, bien en avance sur son temps (aujourd'hui, c'est devenu la mode de parler de narcissisme, concept mis à toutes les sauces entraînant par voie de conséquence un appauvrissement de sa compréhension) où l'on tient les analyses les plus éclairantes qui soient pour comprendre pourquoi le passage du punitif au thérapeutique nous fait passer sur un plan qui est autrement plus dangereux pour l'existence des libertés, ici, en l'occurrence, la liberté d'enseigner au nom d'un projet d'émancipation humaine. Ce qu'on constate, aussi bien en consultant les réseaux numériques que les médias, c'est que la facade du punitif capte à peu près tout le champ de l'attention, permettant, pendant ce temps, aux tendances silencieuses du thérapeutique de faire d'autant mieux leur oeuvre franchement malsaine. Ma collègue a été attaqué sur le terrain du pénal, là où l'on peut se défendre et faire valoir ses droits à la défense. Dans mon cas, on n'est plus considéré comme un délinquant, mais comme un malade, et tous les recours juridiques tendent alors à devenir caduques; ne reste plus qu'à accepter de se faire soigner "pour son propre bien". C'est autrement plus redoutable et désarmant: par ce biais, on est littéralement réduit à l'impuissance.
Ne serait-ce pas moins tordu de reconnaître honnêtement que c'est le contenu même de mon enseignement qui ne convient pas, beaucoup trop critique et agonistique, dans le cadre du consensus mou et gluant autour duquel "la communauté éducative" est invitée à se rassembler? Non, cela serait contraire au principe de la liberté pédagogique de l'enseignant, qui découle de ce qu'a été la philosophie depuis ses origines grecques. Au "pays des droits de l'homme", il ne serait pas convenable et juridiquement scabreux de l'afficher ouvertement. Reste donc à s'en tenir strictement au formalisme tournant à vide du jargon de la communication qui permet d'évacuer tout contenu et à médicaliser le problème pour le solutionner. La seule façon concevable pour la bureaucratie de traiter un cas comme le mien, c'est donc de le ranger dans une de ses multiples petites cases qui relèvent de la psychiatrie; elle en trouvera toujours une qui convient, ici, en l'occurrence la case "personnalité de type schizoïde". En fait, je ne suis même pas persuadé du tout que les responsables anonymes de ce " monstre le plus plus froid de tous les monstres froids" (Nietzsche) soient encore en mesure d'évaluer d'une quelconque façon le contenu de ce qui est développé sur ce chantier d'enseignement, étant donné le degré de déliquescence autour duquel nous nous situons aujourd'hui; il ne m'étonnerait pas que cela les dépasse, tout simplement.
Partant de  là, il n'y a aucune autre perspective à envisager pour moi que le syndrome du Vol au-dessus d'un nid de coucous. Je ne me fais aucune illusion pour ce qui concerne mon avenir.  L'expert que j'ai eu l'occasion de rencontrer pour juger de mon aptitude ou non à reprendre le service me l'a avoué: elle n'y connaît de toute façon absolument rien à la philosophie; il n'est donc pas du tout question de juger mon aptitude à enseigner sur cela; la cause est entendue: inutile d'essayer de se faire comprendre, communiquer, la même remarque valant pour un proviseur, avouant lui aussi ne rien entendre à la philosophie, qui cherchait désespérément à comprendre pourquoi les parents d'élèves pouvaient ainsi me chercher des poux dans la tête: il en avait conclu, exactement à l'inverse de la réalité des faits, comme d'habitude, que c'étaient les élèves d'abord intéressés par le contenu intrinsèque de la matière avec lesquels j'avais des problèmes, tandis que ceux qui n'étaient là que pour bachoter laissaient couler. Quand on interprète systématiquement, tout autour de soi, ce qui vous arrive à l'envers de ce qu'une analyse éclairée et objective conduirait à dire, dans le plus pur style d'un univers orwellien, il faudrait être vraiment taillé dans le roc pour garder la tête froide, ce que je ne suis pas. Il y a là quelque chose d'extrêmement sournois qui tend à relever de la prédiction auto-réalisatrice: on a décrété, quitte à s'appuyer sur les contre-vérités les plus invraisemblables, que je suis affligé d'une certaine pathologie mentale, et le risque est alors grand d'en développer pour de bon, quand tout converge autour de soi pour vous mettre la tête à l'envers.
Cela dit, une société malade tendra à former, tout "naturellement", des individus malades (il y a quantité d'articles sur ce blog pour étayer cette idée; inutile d'y insister ici), et, à ma façon, je n'échappe pas à cette règle. Mais, dans le cas précis qui concerne mon itinéraire dans l'EN il est clair pour moi que je suis loin d'être celui qui aurait le besoin le plus urgent de se faire soigner. Je devrais sans doute m'excuser ici, pour mes maladresses, de ne pas disposer du génie fulgurant d'un A. Rimbaud et n'avoir pu réussi ainsi à faire sortir d'un jet de mon esprit un cours parfaitement construit et maîtrisé; je suis, tout au contraire, quelqu'un d'extrêmement lent à mûrir les choses. Me reste la satisfaction personnelle de pouvoir me dire que pour déranger à ce point, je dois finalement avoir visé assez juste; à mon modeste niveau, je crois pouvoir être digne de la vénérable tradition philosophique à laquelle rattacher, parmi d'autres, les noms de Socrate, More, Bruno, Spinoza, Tolstoï, Russell, etc. C'est au fond l'essentiel, conforme à ce qu'avait été la devise socratique: être avant tout en accord avec soi-même quitte à devoir être en désaccord avec le monde.
Ce qui est assez "drôle", si on peut dire (tout ce qu'il reste à faire c'est d'essayer d'en rire quand on a abandonné tout espoir), c'est que, pendant des années, j'estime avoir délivré aux élèves un enseignement absolument indigne de l'idée que je m'en fais aujourd'hui, et jusque là, on ne m'avait jamais fait de problème. C'est quand je suis enfin parvenu, et dieu sait que cela a été long et difficile, à mettre en place des contenus d'enseignement qui commençaient à me donner quelque satisfaction, ainsi qu'à certains élèves à l'esprit suffisamment ouverts, les deux aspects étant bien sûr indissociables, que les ennuis ont commencé pour moi, allant en s'aggravant, à mesure que je progressais dans la construction de mon cours. J'ai dû me résigner aujourd'hui à devoir admettre que je n'en viendrais sans doute jamais à bout. Ce n'est dans le fond pas très grave: l'architecture de l'ensemble est en place et les fondations me semblent maintenant suffisamment robustes: c'est l'essentiel; n'aurait plus resté plus qu'à terminer la construction de certains pans de l'édifice, dont les plans sont déjà définis dans les lignes principales. C'est l'ironie de toute cette histoire: c'est quand on est enfin parvenu, vingt cinq ans après le début d'une carrière (et même plus loin encore, car tout cela remonte en fait aux débuts de mon éveil intellectuel, il y a près de quarante ans), à construire quelque chose dont on peut estimer qu'il tient assez fermement debout qu'il faut envisager de renoncer à l'enseigner.
Il est toujours amusant de constater que  l'inspectrice de philosophie m'avait fait savoir qu'il serait peut-être bon pour moi de ne pas rester totalement inactif si je devais prendre un congé maladie de longue durée (elle m'avait, paraît-il, trouvé dans un tel état d'épuisement qu'elle a alerté la médecine du rectorat pour prendre rendez-vous avec moi: et la médecin que j'ai rencontré l' a confirmé pour appuyer ma demande d'arrêt de travail)  en me suggérant qu'il y aurait peut-être du travail à faire sur le site de philosophie de l'académie de Toulouse. J'aurais été très étonné que quelqu'un donne suite à cette proposition, et effectivement, tel ne fut jamais le cas. J'ai la preuve sur ce blog, noir sur blanc, que cela ne m'a pas empêché de rester actif. Que les autorités se rassurent, malgré tout: vu l'écho proche du néant que rencontre ce qui est ici mis en chantier, sur ce très étrange réseau qu'on appelle "Internet" (une véritable bénédiction pour des qualités aussi notables que la malveillance, l'indifférence, l'ingratitude ou le plagiat), comme dans la vie réelle, je suis vraiment tout ce qu'il y a de plus inoffensif. On serait pourtant  porté à croire que des contenus d'enseignement qui embêtent les pouvoirs en place au point de chercher à les neutraliser par ce genre de procédures médicalisantes devraient au moins un peu éveiller la curiosité de ceux qui s'affichent dans une posture de contestation. Visiblement non. De deux choses l'une alors: soit ces gens sont complètement stupides, soit ils ne sont pas ce qu'ils prétendent être, ou, éventuellement, un peu des deux. La valeur monétaire de mon blog, sur un site qui collecte les données, est ainsi estimé à 355 dollars, ce qui, sur plus de dix ans d'activité, ne vaut vraiment pas tripette; même le travail du moindre esclave aurait un coût plus élevé. Une manifestation de plus de mon incapacité à "communiquer", me rétorquera-t-on sans doute. Je ne crois pas: depuis que ce chantier a été entamé, un sacré bout de chemin a été parcouru qui m'a amené à construire un projet d'enseignement toujours plus mûri, enrichi, rigoureux, structuré et clair que ce qu' il était au début et dont j'aurais aujourd'hui assez honte. Je pense être en mesure de comprendre la raison dernière de cette marginalité qui n'a vraiment rien à voir avec une quelconque pathologie dont je souffrirais; bien au contraire, elle serait plutôt à mettre à l'actif de ma santé mentale. Il y a quelque temps, j'ai eu écho d'une personne qui se disait choqué par le fait que je ne cite pas des blogueurs pour qu'ils me citent à leur tour et ce manque expliquait pour lui le fait que je sois ignoré sur le réseau de l'Internet. Sur le moment j'avais été sidéré, car on trouve sur ce blog des dizaines de liens renvoyant à des articles disponibles en accès libre sur le réseau, sans compter ceux renvoyant à des supports audio et visuel. J'ai fini par comprendre de quoi il retourne quand je me suis penché sur la question de la formation des bulles spéculatives sur les marchés financiers: c'est exactement la même logique qui s'y réplique; je l'ai développé ici: par ce biais, la valeur du titre ou de l'auteur sera gonflée artificiellement et finira par être hors de toute proportion relativement à ce qu'une estimation objective pourrait établir. Ce qui est absolument catastrophique tient dans le fait que cette logique s'immisce aujourd'hui partout, y compris dans des domaines, comme celui de la connaissance, où elle ne peut que pervertir complètement ce qui devrait présider à sa recherche: dans ce champ on devrait citer un texte essentiellement en fonction de son contenu intrinsèque, et non pas pour assurer sa promotion, comme c'est le cas dans l'univers des intellectuels médiatiques (les Onfray, Zemmour, BHL, etc.) Or, malheureusement, c'est jusque dans la publication dans des revues académiques, soit-disant "sérieuses", qu'on la retrouve, de nos jours. Si on pense que je délire, alors il faudra en dire de même de ce que raconte R. Gori, quelqu'un qui est bien placé pour en parler, dans cette conférence, La fabrique des imposteurs, à partir de 1 h 41' 50", où, en une minute, il résume l'essentiel à ce sujet:

Ces gens là ont parfaitement appris leur conjugaison pour enchérir leur valeur:
Je te cite
Tu me cites
Il nous cite
Nous nous citons, etc.
Voilà donc la tare dont je souffre ici, celle de refuser catégoriquement de rentrer dans ce jeu extrêmement pervers qui produit de l'imposture en quantité industrielle, quitte à devoir me résigner à la marginalité; pour être tout à fait exact, ce n'est même pas un refus dans la mesure où c'est une vélléité qui ne m'effleurerait tout simplement pas l'esprit: je n'ai décidément pas l'âme d'un spéculateur si on voulait me reprocher quelque chose ici; c'est quand même ballot: je cite tout un tas de morts qui n'auront jamais l'occasion de me renvoyer l'ascenseur.
Le plus sage est de faire retraite et laisser tous ces braves gens à leur monde. On verra bien où ça les mènera. Je ne miserais pas un seul kopeck sur le fait qu'ils préparent un avenir radieux.
 


7 commentaires:

  1. Moi aussi, je suis officiellement déclaré bipolaire de "type schizoïde". Depuis deux ans. Je perçois une allocation handicapé pour ça. Par contre, j'avais déjà rejeté le salariat depuis plusieurs années, c'était beaucoup trop anxiogène pour moi.

    Depuis trois mois que je viens régulièrement consulté la bahm, je prends beaucoup de plaisir à découvrir, m'initier à la philosophie. Donc, non, je vous rassure ce blog n'est pas l'oeuvre d'un cinglé mais d'un esprit plutôt singulier parce que bien fait. Vous êtes désormais riche de votre temps, c'est formidable ! Je m'en réjouis pour vous.

    Cordialement,
    M. X

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  2. Je viens de lire l'article intégralement... Je suis franchement atterré pour vous. Je vous le redis : vous faites un boulot formidable.
    Au lycée, je voulais faire série L mais le conseil de classe ne fut pas de cet avis et m'envoya en S.T.T.. Résultat : je n'ai jamais eu de cours de philo et je n'ai même pas passé le bac, j'ai stoppé dès la première tellement j'étais écoeuré de l'EN.
    Près de vingt-cinq ans plus tard, c'est chez vous, ici, à cette adresse, que je me délecte de cette petite revanche sur la vie : apprendre ! avec envie. La philosophie, au départ, pour moi, c'était du chinois. Puis, depuis que je viens régulièrement sur le chantier : je suis de plus en plus à l'aise et curieux. Ce sont des cours consistants, pas d'énièmes critiques ou recensions comme on en trouve tant sur les autres blogs. Je suis profondément technophobe, et, par exemple, c'est notamment grâce à votre article sur la critique du machinisme par Bergson, que j'ai pu comprendre par des mots - et non pas seulement par des impressions abstraites - ce qu'est réellement facebook (application minitel centrée, etc.).
    Je me rends sur le chantier chaque semaine. Des fois, je lis des articles entièrement ; des fois, je picore juste à droite à gauche mais c'est incontournable pour moi.

    Vous n'êtes pas cinglé, bien au contraire.
    Merci pour votre apport majeur sur la toile.

    M. Y

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  3. Toutefois, il reste encore des points du chantier à étayer et écrire. N'oubliez pas votre inventaire : il n'est pas fini.
    Je suis de tout coeur avec vous. Vous n'êtes pas seul, nous autres, lecteurs, demeurons présents. On a encore faim d'apprendre !

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  4. On est avec vous ! Le chantier n'est pas encore terminé. N'en déplaise aux esprits chagrins. Merci pour tout ce boulot.

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  5. D'abord, merci pour vos messages de soutien.
    Ensuite, je ne suis pas sûr du tout que ce que je fasse ici puisse être appelé de la "philosophie". Pour reprendre, sans ironie, ce qui est revenu plusieurs fois à mes oreilles à la fin de mes années d'enseignement, "Mais ce n'est pas de la philosophie ce que vous faites" (et c'était probablement justifié en appliquant les critères de ce qui se fait conventionnellement dans le cadre d'un enseignement en lycée). C'est de toute façon probablement la seule discipline théorique dont ses adeptes soient incapables de se mettre d'accord entre eux au moins sur une base minimale de définition. De toute façon, je me demande de plus en plus, en fait, si ce qui s'est institutionnalisé par là au cours des siècles n'est pas destiné, de plus en plus, à devenir une chose morte du passé. Au fond, cela n'a plus aucune espèce d'importance pour moi de savoir
    si ce qui est fait ici peut s'appeler ou non de la "philosophie".
    Quant à savoir, si je vais le poursuivre, cela dépendra de choses que je ne maîtrise pas (je peux le reprendre demain comme dans trois ans ou...jamais); ce qui est ouvert ici est de toute façon inachevable dans la limite de mes moyens, et là non plus, ça n'a guère d'importance pour moi de savoir si je vais pouvoir le poursuivre, et si oui, jusque où.

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  6. Bonjour !
    Je suis un élève de Terminale lambda révisant pour un imminent baccalauréat blanc de philosophie et tombé par hasard sur une de vos dissertations sur la justice... Je me suis épris de votre style d'écriture et de la complétude du raisonnement que vous menez... C'est ce qui m'a procuré la curiosité d'en apprendre plus sur l'auteur de cet article très éclairant.
    Me voici donc à lire en intégralité cet article, dont à l'issue de la lecture je m'en trouve totalement effaré.
    Je n'ai pas encore assez de recul sur la situation et je m'abstiendrai ainsi de vous livrer mon avis modeste et peu avancé...
    Toutefois, j'ai pu constater ces mêmes reproches que vous faites au système de l'éducation nationale, à mon échelle d'élève, chez certains de mes professeurs : une professeur d'histoire géographie désespérée de retrouver la joie d'enseigner, notamment à cause de la pression et de l'EN et des parents (et des élèves qu'elle a pu avoir, ne démontrant sûrement aucun signe d'intérêt particulier pour la matière) ainsi qu'il y a maintenant 2 ans, une professeur de sport qui a démissionné et qui au grand hasard recevait un amas de mails peu sympathiques provenant de parents d'élève concernant la question du masque / des distances de sécurité à respecter durant les cours (période coronavirus) et auxquels, nous, élèves, assistons (les mails étant envoyés à l'ensemble du lycée), complétement hilares (mais alarmés cependant !) du 'ridiculisme' des messages de certains parents...
    Par ailleurs, je peux vous témoigner le cas d'un professeur de philosophie de mon lycée, embauché cette année au mois d'octobre (un mois après la rentrée scolaire car résultat semble-t-il de ce que l'on appelle "la pénurie des professeurs"...), qui raconte la risibilité du programme de philosophie (a priori, la BO de philo ne tient que sur une demi-page, comprenant les 17 notions que l'on doit aborder mais sans plus de détails) et fait de nombreuses remarques peu élogieuses sur le système (--politique--) en général. (Reste la question controversée : a-t-il réellement le droit de donner son avis en cours qui a fait beaucoup parlé.)
    Il dit tenter de changer des cours habituels "barbants et rébarbatifs" (qu'importe ce qu'en disent les inspecteurs...) et prôner un autre style de cours... Beaucoup de parents d'élèves se plaignent de ses cours car "ne préparant pas assez bien au baccalauréat"...
    Pour ce qui est de l'intérêt de la matière : même si n'envisageant pas une poursuite d'études dans la philosophie (ni l'histoire et encore moins le sport...), je suis convaincue que chaque matière a son importance et son utilité propre. Si l'on réfléchit bien, on peut toujours trouver de l'intérêt à un domaine : la réflexion, l'analyse, la capacité à absorber un maximum de connaissances, de les réarranger pour être en mesure de les exploiter et de les ressortir pour une problématique annexe... Mais la philosophie, en plus de toutes ces compétences qu'elle nous permet d'acquérir/approfondir, a de particulier qu'elle forge l'esprit critique (qui a sa plus grande importance, non pas pour notre parcours professionnel, mais pour l'apprentissage de la vie), nous fait prendre du recul, nous poser des questions, nous pousser à aller jusqu'au bout (s'il existe) d'un raisonnement poussé et d'une réflexion acharnée...
    Les élèves.parents qui critiquent la matière.le professeur n'ont strictement pas compris... c'est bien triste pour eux...
    Je suis ecoeuré par le fait que certains professeurs en viennent à ressentir du dégoût pour leur profession, qui, bien que noble, ne semble aujourd'hui ni valorisée ni valorisante pour l'individu lui-même ...
    Je serais plus que ravi si vous continuiez l'écriture de ce blog.
    Vous souhaitant bonne continuation,
    Un élève de terminale qui s'est réellement perdu dans ses révisions

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  7. Ces choses ne sont pas nouvelles, il ne faut pas s'en étonner, elles sont dans l'ordre des choses. Kant disait déjà à son époque que les deux principaux obstacles à une éducation en vue d'un état futur meilleur de l'humanité (ce qui impliquait pour lui une bonne dose d'esprit critique à développer), étaient dans la famille et l'Etat; la première parce que les parents veulent avant tout que leurs enfants réussissent dans la société, aussi corrompue soit-elle, et le second parce qu'il veut des sujets gouvernables.
    Alors il y a entente objective pour maintenir sous le boisseau la pensée critique.

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