mercredi 11 janvier 2017

2) En quel sens l'humain est un être de culture? Sur le plan psychologique


a) la folie humaine
Sur le plan psychologique, l'homme est un être de culture en ce sens que c'est la culture qui va  apporter les remèdes à sa folie native. Un des grands apports de la pensée moderne, en particulier avec la psychanalyse, a été de mettre à mal la définition traditionnelle que l'on  donnait de l'humain comme un être doué de raison. "Les hommes naissent fous" , au contraire, comme l'affirmait le dramaturge Samuel Beckett et d'autres avec lui:"(...) contrairement au vieux lieu communce qui fait de l'homme un homme n'est pas qu'il est raisonnable ou rationnel - ce qui de toute évidence est une aberration. Il n' y a pas d'être plus fou que l'homme. " (Castoriadis,  La montée de l'insignifiance, p. 111) Voilà qui n'est pas pour rassurer. Ce qui soulève au moins deux questions. En quoi la folie native de l'humain est-elle liée au phénomène biologique de la néoténie? Qu'est-ce que la culture vient apporter comme remède pour soigner l'homme de sa folie?

Pour comprendre ce qui singularise la psychologie humaine, il faut donc repartir des données de la néoténie:"La naissance prématurée et la dépendance prolongée sont les faits dominants de la psychologie humaine." (Lasch, Le moi assiégé, p. 171) On peut faire ressortir quatre ordres de phénomènes caractéristiques de la psychologie humaine qui découlent tous de sa néoténie sur le plan biologique: le narcissisme originel et persistant de la psyché; le surinvestissement d'un monde imaginaire fait de représentations des choses qui va avoir tendance à primer sur la réalité; toute la série des troubles mentaux que la psychanalyse héritée de Freud a rangé sous la catégorie de névrose. Et, enfin, non des moindres, un phantasme de toute puissance, au coeur de l'âme humaine, qui marque une tendance lourde à l'hubris, le terme que les Grecs de l'antiquité utilisaient pour désigner la démesure, et qu'ils considéraient comme le principal péril menaçant l'humanité.
Reprenons dans l'ordre. D'abord le narcissisme originel et persistant du nourrisson, le fait de ne pas se distinguer du monde extérieur et d'intégrer le sens des limites entre le Moi et le non-Moi (cf., Outils élémentaires pour traiter de psychologie, pour encore plus de développements sur ce concept clé de narcissisme pour comprendre la psychologie humaine) provient de la néoténie, et plus particulièrement, du retard et de la lenteur du développement de sa motricité, autrement dit, de sa capacité à agir:" le petit  d'homme ne peut durant plusieurs mois prendre conscience (...), de la différence qui existe entre soi et le monde extérieur. Le sentiment de constituer une unité indépendante est lié à l'intégration opérationnelle de la motricité, à l'action sur le monde." (G. Mendel, La révolte contre le Père, p. 37) Celle-ci, on l'a vu, ne vient que très lentement et tardivement à maturation. Le sens de la distinction entre ce qui est imaginaire et ce qui est réel ne peut être encore élaboré à ce stade. Une des premières choses que toute éducation devra faire de ce point de vue, c'est apprendre à l'enfant le sens de la distinction entre lui et le monde, donc, le sortir de son narcissisme originel et persistant. Le moment décisif de cette sortie est, comme l'avait repéré Freud, celui où l'enfant crie pour têter et où le sein ne surgit pas. Il commence seulement alors à apprendre qu'il y a un monde réel qui n'est pas malléable au gré de ses désirs; que le sein appartient à quelqu'un d'autre qui se distingue de lui.
Deuxième point: c'est le sous développement de la motricité, lié à la néoténie, qui explique, en compensation, le surinvestissement de l'activité mentale et la place démesurée que va prendre l'imagination. L'énergie qui ne peut être dirigée vers la motricité, en raison de la faiblesse de l'appareil musculaire, ira s'accumuler dans la formation de représentations mentales issues de son imagination:"en contraste avec la lenteur de la vitesse relative de la maturation motrice, le développement sensoriel est à la fois précoce et rapide chez le petit d'homme (...) autrement dit, et compte tenu du haut degré d'évolution du système nerveux central chez les Primates, il existera une tendance au surinvestissement d'un univers mental de " représentations des choses"." ((G. Mendel, La révolte contre le Père, p. 35-36) En conséquence de ce "surinvestissement", l'imaginaire va avoir tendance à primer sur le réel. S' il y a bien une faculté qui caractérise l'homme et sa folie c'est bien d'avantage l'imagination que la raison, au sens où elle est "la capacité de poser comme réel ce qui ne l'est pas." (Castoriadis, Domaines de l'homme, p. 48) Ce surinvestissement rend compte du fait que la psyché humaine se défonctionnalise relativement au substrat biologique et va avoir tendance à former ses représentations pour en faire des sources de plaisir; de là naît le penchant humain à vivre d'illusions et de phantasmes. La vie sexuelle  est exemplaire à ce titre. Chez les animaux elle est fonctionnalisée  en vue de  la reproduction de l'espèce, raison pour laquelle elle n'est intense qu'au moment de la saison des amours. Chez l'être humain, la vie sexuelle déborde de toutes parts cette fonctionnalité. Il y a un découplage entre la vie sexuelle et  la reproduction; ce qui stimule sa vie sexuelle est infiniment plus qu'un simple phénomène biologique ponctuel de sécrétion d'hormones mais un flux ininterrompu, jour et nuit, de représentations que son imagination crée, des phantasmes qu'il se plaît à imaginer.
Troisième ordre de phénomènes découlant de la néoténie biologique, les névroses. Comme Freud avait déjà attiré l'attention dessus, la dépendance prolongée du petit d'homme né inachevé est une des causes fondamentales de ces troubles mentaux dont il souffrira:"Parmi les facteurs qui causent les névroses il faut retenir l'état de dépendance longuement prolongée du petit enfant d'homme, l'existence intra utérine de l'homme apparaît face à celle de la plupart des animaux relativement raccourcie; l'enfant d'homme est jeté dans le monde plus inachevé qu'eux." (Freud cité par Dufour, On achève bien les hommes, p. 34) La néoténie se traduit, sur ce plan là, par un état de stress traumatisant qui est celui d'un être singulièrement vulnérable, démuni et fragile et qui le marquera à vie, dans des proportions très variables suivant les individus et l'éducation reçue pour amortir le choc initial.
Enfin, l'impuissance à agir sur le monde, sur le plan moteur, a donc comme contre-partie, sur le plan psychique, le phantasme de toute-puissance qui fait verser dans l'hubris. L'avidité, le fait de vouloir toujours plus, est inscrite dans la constitution même d'un être qui manque de tout au départ. Il est dans l'ordre des choses que celui qui n'a rien veuille tout:" Il était fatal que le néotène, celui qui manque de tout, engendre le grand avide. Quand on a moins, n'est-il pas normal qu'on veuille plus?" (Nisand, Où va l'humanité?, p. 30) La racine la plus primitive du phantasme de toute-puissance remonte au stade foetal d'évolution: là, rien ne vient encore rompre le sentiment originel d'être tout: le foetus baigne dans le liquide amniotique de l'utérus de la mère et fusionne intégralement avec elle: ils ne font qu'un. La naissance, c'est la blessure originelle qui marque la première grande rupture dans le sentiment narcissique d'être tout. Il y a là, une disproportion extraordinaire entre l'avant et l'après naissance, qui marquera au fer rouge toute la vie ultérieure de l'humain:"Le nouveau-né éprouve la faim et la séparation pour la première fois, il ressent sa position d'impuissance, d'infériorité et de dépendance dans le monde, à des années-lumière de sa toute-puissance passée." (Lasch, Le moi assiégé, p. 171) Dès lors, la contradiction traumatisante à vivre pour la pysché infantile  est celle qui oppose son phantasme de toute puissance sur le plan psychique à la réalité de sa faiblesse, de sa dépendance radicale et prolongée sur le plan biologique. Nul ne peut prétendre passer cette épreuve sans en garder des séquelles à vie. Et la disproportion ne va cesser de croître entre le désir de l'enfant d'une réunion sexuelle avec la mère et la prise de conscience toujours plus aigue de l'impossibilité de la réaliser étant donné son retard de développement sur le plan des capacités physiques. Ici aussi, nous retrouvons ce décalage entre "la précocité du développement mental et émotionnel de l'enfant, la précocité de ses fantasmes sexuels par rapport à ses capacités physiques..." (ibid., p. 175) D'où l'importance de ce que la psychanalyse, à la suite des travaux de Donald Winicott, a appelé les "objets transitionnels" qui vont permettre d'amortir le choc du passage de l'état primitivement narcissique de la psyché fusionnée avec son environnement à son son état proprement humain à partir de quoi se constitue, à proprement parler, l'individu social et d'atténuer ainsi l'angoisse du sentiment de séparation pour l'enfant. Le prototype de ces objets, c'est le doudou qui joue donc pour lui le rôle d'un substitut de la figure maternelle le temps qu'il s'acclimate à sa deuxième naissance, celle par laquelle il accède à son statut proprement humain; ainsi, le doudou, en tant qu'objet transitionnel, constitue une sorte de pont qui permet à l'enfant de passer "de l'état d'union avec la mère à l'état où il est en relation avec elle en tant que quelque chose d'extérieur et de séparé." (ibid., p. 198). On voit ici l'importance décisive de la fonction symbolique, pour permettre à l'enfant d'accéder à sa propre individualité, distincte de celle de de sa mère, puisque le doudou joue le rôle de symbole de la mère, tout à la fois ce qui traduit son absence et sa présence:""L'objet [transitionnel] est un symbole de l'union du bébé et de la mère"; il est également une reconnaissance de leur séparation. "Que cet objet ne soit pas le sein (ou la mère) (...) importe tout autant que le fait qu'il soit à la place du sein (ou de la mère)."" (ibid., p. 197)
Pour plus de développement encore sur le sens de la folie humaine, voir l'extrait de cette conférence du philosophe Dany-Robert Dufour dans laquelle il explique bien, encore d'un autre point de vue, que la néoténie fait de l'humain, un être déboussolé, perdu dans les deux dimensions fondamentales de son existence, l'espace et le temps, et, également en ce sens, fou:




Il est clair, à la lumière de ces analyses, que ceux qui ont baptisé notre espèce, Sapiens (Sage), devaient avoir une connaissance encore très superficielle de ce qui fait la singularité de notre espèce. Pourtant, il a bien fallu qu'elle invente certaines choses qui rectifient cette tendance prononcée à verser dans la folie, sans quoi elle n'aurait pu survivre, et encore moins se développer jusqu'à coloniser aujourd'hui l'ensemble de la terre. De quoi s'agit-il au juste?

b) La culture comme remède à la folie native
On retiendra ici deux types de remède parmi les plus essentiels (il faudrait y rajouter encore la question des soins, ce qu'on appelle aussi le "care", dans le cadre d'un courant de la philosophie féministe issu des Etats-Unis: je renvoie, pour ce point, à la la partie 1a de l'explication du texte de Kant, de l'éducation).
 De ces deux remèdes que l'on va examiner ici, l'un relève des interdits fondamentaux que l'on retrouve dans toutes les cultures, ce qu'on appelle aussi les interdits moraux, et, qui visent essentiellement à limiter l'avidité, le phantasme de toute-puissance, pour  éviter à l'humain d'être une menace pour lui-même et les autres. On peut le dire plus précisément encore: il y a un interdit universel, un invariant anthropologique, que l'on retrouve dans toutes les sociétés humaines, comme l'a montré Lévi-Strauss, qui est celui de l'inceste. Nous sommes maintenant outillés pour en comprendre le sens psychologique: c'est l'interdit qui renvoie à ce que l'on a pris l'habitude d'appeler "la fonction paternelle", que l'on ne retrouve guère, à quelques exceptions près, que dans le monde humain, et qui a, au bout du compte, pour but, de rompre le rapport fusionnel de l'enfant à sa mère. Comparons, de ce point de vue, comment les choses se passent chez des chiens ou des chats avec les humains. Chez les premiers, la rupture entre la mère et sa progéniture se fait d'elle-même, sans qu'il y ait besoin de l'intervention d'un tiers séparateur. Une fois le sevrage réalisé, la chienne rejette énergiquement ses petits. Rien de tel ne s'applique à l'humain. Il faut que la rupture soit opérée par un troisième terme qui pose l'institution de la loi,  l'interdit de l'inceste. De ce point de vue, on peut dire que la société humaine commence avec le nombre trois.
Le deuxième remède se rapporte à la notion de sublimation. D'une façon générale, "la sublimation est le procès moyennant lequel la psyché est forcée à remplacer ses "objets propres" ou "privés" d'investissement (...) par des objets qui sont et valent dans et par leur institution sociale, et d'en faire pour elle-même des "causes", des "moyens" ou des "supports" de plaisir." (Castoriadis, L'institution imaginaire de la société, p. 455) Une éducation réussie, en ce sens, est une éducation qui parvient à faire passer l'enfant de son monde purement intérieur et privé de phantasmes à une situation où il peut investir affectivement des choses instituées socialement, qui valent donc pour tous et pas seulement pour lui. Je lui ouvre de la sorte les portes de la culture en sublimant ses désirs. L'art a de tout temps constitué la voie privilégiée pour y arriver. C'est pourquoi il constitue une des formes supérieures de la culture. Mettons, par exemple, qu'au lieu de donner à l'enfant le bonbon qu'il désire, je me mets avec lui à parler, imaginer, dessiner, sculpter, etc., le bonbon et qu'il arrive finalement à retirer du plaisir de ces activités; c'est de cette façon que j'en fais un être de culture qui élève sa vie affective et désirante à un niveau supérieur qui la socialise et l'humanise:"Parler les désirs, les représenter, partir des désirs pour entrer en communication avec les autres, voilà ce qui fait la culture, la littérature, la sculpture, la musique, la peinture, le dessin, la danse ..." (Dolto, L'école des parents).
Une société dont les dispositifs affaibliraient ces noyaux de toute culture humaine, serait donc dans ce qu'on peut appeler, une "crise anthropologique", sapant les bases mêmes de tout vie humaine possible. Or, il existe un certain nombre d'éléments qui autorisent à penser que l'évolution actuelle des sociétés modernes sont victimes d'une dangereuse régression de la culture, au sens où nous en avons parlé ici.

c) La crise de la culture
Il faut donc ici reprendre dans l'ordre les deux éléments développés dans la partie précédente, et montrer pour chacun d'eux, pourquoi ils subissent une érosion considérable dans les sociétés actuelles, du fait de l'emprise toujours plus forte qu'exercent, aussi bien le capitalisme que le développement technologique qui lui est intimement lié.
Pour ce qui est des interdits culturels, ce qu'il faut d'abord bien comprendre, c'est que le capitalisme, par nature, tend à ignorer le sens des limites, en ce sens qu'il ne peut se reproduire et se développer, que par une permanente transgression des normes établies. Cela, Marx l'avait déjà très bien montré au XIXème siècle:"Le capital ressent toute limite comme une entrave..." (Marx, Grundrisse) "Vivez en illimité": ce slogan publicitaire pour un opérateur de téléphonie mobile condense à lui seul tout l'imaginaire capitaliste. C'est pourquoi encore, on retrouve dans la bouche d'un politicien comme Sarkozy, qui n'a pas précisément la réputation d'un anticapitaliste, ce qui pourrait ressembler à un discours subversif et révolutionnaire:"Je pense qu'on se construit en transgressant, que l'on crée toujours en transgressant [...] L'intérêt de la règle, de la limite, de la norme, c'est justement qu'elles permettent la transgression." ( cité par Michéa dans le Complexe d'Orphée, p. 30) Le capitalisme, par conséquent, tend à saper tous les interdits qui évitaient jusque là, tant bien que mal, à l'humanité de verser dans l'hubris, la démesure. Partant de là, on peut comprendre pourquoi le philosophe américain C. Lasch, à la suite de Rieff, pouvait décrire son pays, là où le capitalisme est le plus avancé, ainsi:"De son point de vue, le coeur de toute culture réside dans ses interdictions [...] Voilà pourquoi il y a du sens à décrire les Etats-Unis aujourd'hui comme une société sans culture..." (C. Lasch, La révolte des élites)
 Maintenant, il y a aussi un autre aspect à prendre en compte, qui dépasse largement le cadre du capitalisme, celui du développement technologique moderne. Fondamentalement, lui aussi, tend à saper toute limite au phantasme de toute-puissance. Précisément, ce qui s'annonce, pour notre avenir, avec ce qu'on appelle "la grande convergence", la combinaison entrain de se tramer entre les Nanotechnologies (technologies de l'atome), les Biotechnologies (technologies des gênes), l'Informatique (technologie des bits), et les sciences Cognitives ( technologies des neurones), les NBIC, c'est une technologie qui par l'hybridation (fusion) entre l'humain et la machine prétend pouvoir abolir toutes les limites qui étaient, depuis toujours, liées à la condition humaine, et, au-delà, à celle de tout être vivant: la souffrance, la maladie, la vieillesse, la mort: l'idéologie correspondante à ce délire de toute-puissance, c'est ce qui se revendique aujourd'hui, comme un transhumanisme, censé annoncer un futur au-delà de l'humanité...
Par ce qui est du deuxième noyau propre à toute culture, le capitalisme dans sa phase actuelle, livrée au consumérisme (la consommation de masse), se conjugue avec un affaiblissement considérable de ces processus de sublimation de la vie affective et désirante. Ils tendent à devenir les ennemis de la croissance économique, qui est l'alpha et l'omega des sociétés actuelles dominées par l'imaginaire du capitalisme. La nécessité de la croissance, à tout prix, sollicite en permanence une économie de la pulsion qui consomme frénétiquement son objet. La culture, tout au contraire, entendue au sens des dispositifs de la sublimation, suppose une économie du désir qui retarde sa satisfaction et dématérialise son objet, toutes choses qui sont  anti économiques en ce qu'elles constituent des freins à la croissance. On se rend bien compte que si les parents suivaient les recommandations de Dolto de sublimer le désir qu'a l'enfant du bonbon au lieu de lui acheter, c'est toute l'industrie du bonbon qui ferait faillite. Il se produit donc, avec le capitalisme de la consommation de masse, l'inverse d'un processus de sublimation dans le cours actuel des choses: une "désublimation répressive du désir" (Marcuse), qui le fait régresser à son niveau le plus frustre qui soit, celui de la satisfaction matérielle et immédiate. Et elle est "répressive", car, sous ses apparences tout ce qu'il y a de plus permissives, cette morale consumériste, en réalité, réprime toute potentialité de développement culturel du désir humain.
 Pour résumer, s'il fallait dresser un tableau clinique de notre époque, on pourrait en conclure que les symptômes de la folie actuelle se manifestent à travers  ce que l'on a pu  appeler "une culture du narcissisme" (Lasch), qui présentent l'aspect de deux troubles symétriques et extrêmes: soit l'infatuation subjective, le sentiment de toute-puissance, qui fait que je me prends pour le tout: la mégalomanie; soit l'effondrement subjectif qui fait que je ne suis plus rien: la dépression.
Dufour, la religion économique:

La mégalomanie ou la dépression sont les deux faces d'une même pièce, celle d'un "moi minimal ou narcissique (qui) est avant tout un moi incertain de ses propres contours, désireux soit de refaire le monde à son image, soit de se fondre dans son environnement." (Lasch, Le moi assiégé, p. 15) La culture actuelle tend donc à réactiver, de façon totalement régressive, l'état fusionnel primitif d'indistinction qui était celui du nourrisson avec son environnement, suivant ces deux modalités complémentaires: soit, absorber en soi le monde, suivant le phantasme au coeur du projet prométhéen de la technique moderne, soit se faire absorber par lui, en particulier, dans les formes les plus abouties de conformisme, typiques, là aussi de notre temps. (Pour plus de développements encore, voir, Aspect de la crise anthropologique des sociétés modernes: la régression narcissique dans la société du spectacle.)
Maintenant, pour encore mieux prendre la mesure de l'ampleur d'une telle crise de la culture, il va nous falloir développer les implications anthropologiques de la néoténie, ce qui permettra, en même temps, d'aller plus loin dans la compréhension de l'humain comme un être de culture...

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