Psyché infantile
a) Auto centrisme absolu
b) Toute puissance de la pensée
c) Capacité à trouver le plaisir
dans la représentation
d) Satisfaction immédiate du désir
vs
Individu social
a) Décentrement de l'existence
b) Reconnaissance des limites liées à la condition humaine
c) Intégration d'un principe de réalité
d) Différer la satisfaction du désir
Touchant la psychologie humaine,il faut tenir compte, avant toute autre chose, de cette donnée première d'ordre biologique qui fait de la fragilité, de la vulnérabilité et de la dépendance prolongée des caractéristiques fondamentales de la condition humaine. L'être humain est marquée à sa naissance par la néoténie qui en fait un être très inachevé par nature, particulièrement sur le plan de ses capacités motrices. Sa musculature est par exemple infiniment moins développée à sa naissance que celle d'un poulain. Cette déficience sur le plan biologique sera compensée par un fantastique développement de l'activité psychique et imaginative. C'est en particulier la thèse qu'a développé le psychanalyste G. Mendel. Comment se développe-t-elle? Si nous partons de la psyché du nourrisson, étant gouvernée essentiellement par l’inconscient, elle présentera les traits de caractère de celui-ci. Par principe, l’inconscient ne peut donner lieu à une connaissance directe. On ne peut qu’interpoler à partir des données lacunaires de la conscience ce qu’on présume être la logique de son fonctionnement. Ses réserves étant faites, on peut se risquer à supposer les quatre caractéristiques suivantes, en suivant Castoriadis.
a) Auto centrisme absolu: la psyché infantile est totalement centrée sur elle-même. Le but de la socialisation sera de décentrer l’existence de la psyché pour l’amener à reconnaître autrui comme une forme d’existence indépendante et autonome par rapport à la sienne, et, plus largement, lui faire admettre que toute ne tourne pas autour d’elle et n’existe pas pour être à son service. Typique de ce genre d’illusions qui pourront éventuellement perdurer dans la vie adulte, les superstitions d’ordre religieux qu’un philosophe comme Spinoza dénonçait au XVIIème siècle: Dieu fait tomber la pluie pour arroser nos récoltes ou il envoie des fléaux pour nous punir, ou encore, suivant une autre modalité qu'on qualifiera de "masculine", les délires mégalomaniaques du tyran qu‘on retrouve à tous les échelons de la société, du père de famille qui règne en despote chez lui au dictateur psychopathe.
b) La toute puissance de la pensée ou ce que Freud appelle aussi le "pouvoir magique" de la pensée qui consiste à s’imaginer pour l’enfant que c’est par la seule puissance de son désir que le sein (ou le biberon) surgit. De là il faudra passer à un individu qui aura reconnu les limites indépassables liées à la condition humaine, et, la première de toute, celle qui fait de nous des mortels dont la croissance a nécessairement un terme. Il ne peut y avoir qu'un anthropos atteint d'un grave trouble de sa vie psychique pour s'imaginer qu'une société peut croître matériellement à l'infini.
c) La capacité à trouver le plaisir dans la représentation exprime le fait que pour l’inconscient, il n’existe d’autre principe gouvernant la formation de ses représentations que le principe de plaisir:"pour l’inconscient, la question n’est pas de transformer la réalité dont il n’a aucune connaissance, mais la représentation pour la rendre plaisante." (Castoriadis) Le rêve est l’illustration type de ce mode de fonctionnement: l’imagination créatrice faire surgir les représentations qui mettent en scène la satisfaction du désir inconscient.(qui est, à son niveau le plus fondamental suivant le dernier Freud, le désir de maintenir le degré le plus bas de tension dans la vie psychique, c’est-à-dire, en dernière analyse, préserver le sommeil par l'élaboration d'un compromis entre les exigences de la pulsion interdite et celles du surmoi punitif) Passer au stade de l’individu social, c’est intégrer un principe de réalité: c’est reconnaître que je ne peux uniquement former mes représentations pour les rendre plaisantes mais qu’il faut aussi tenir compte d’une réalité qui est ce qu’elle est indépendamment de mes souhaits: je désire la séduire mais si je ne peux pas reconnaître enfin de compte que je ne lui plaît pas c’est que je suis mûr pour un traitement psychiatrique. Je désirerais croire que je vis dans un monde où "cela tourne rond" mais je dois me rendre à l'évidence des raisons qui m'indique le contraire, etc.
d) La satisfaction immédiate du désir. L’inconscient ignore tout de la notion de l’effort nécessaire qui doit s’interposer entre le désir et sa réalisation. Dans son mode de fonctionnement, l’imagination crée immédiatement la représentation qui vient satisfaire le désir. Ici aussi, l’entrée dans la culture commence à partir du moment où l’enfant apprend à différer la satisfaction de son désir: j’ai faim mais il faut d’abord cuire les aliments et attendre qu’ils soient prêts pour être consommables. Je la désire mais je dois d’abord parvenir à la séduire. J’aimerais m’acheter telle marchandise mais il me faut d’abord économiser plutôt que de m'endetter jusqu'au cou, etc. Le test de la guimauve apporte une éclatante confirmation expérimentale de ce réquisit de la socialisation de la psyché; voyez dans le documentaire, Le cerveau et ses automatismes à 11'45:
d) Différer la satisfaction du désir
Touchant la psychologie humaine,il faut tenir compte, avant toute autre chose, de cette donnée première d'ordre biologique qui fait de la fragilité, de la vulnérabilité et de la dépendance prolongée des caractéristiques fondamentales de la condition humaine. L'être humain est marquée à sa naissance par la néoténie qui en fait un être très inachevé par nature, particulièrement sur le plan de ses capacités motrices. Sa musculature est par exemple infiniment moins développée à sa naissance que celle d'un poulain. Cette déficience sur le plan biologique sera compensée par un fantastique développement de l'activité psychique et imaginative. C'est en particulier la thèse qu'a développé le psychanalyste G. Mendel. Comment se développe-t-elle? Si nous partons de la psyché du nourrisson, étant gouvernée essentiellement par l’inconscient, elle présentera les traits de caractère de celui-ci. Par principe, l’inconscient ne peut donner lieu à une connaissance directe. On ne peut qu’interpoler à partir des données lacunaires de la conscience ce qu’on présume être la logique de son fonctionnement. Ses réserves étant faites, on peut se risquer à supposer les quatre caractéristiques suivantes, en suivant Castoriadis.
a) Auto centrisme absolu: la psyché infantile est totalement centrée sur elle-même. Le but de la socialisation sera de décentrer l’existence de la psyché pour l’amener à reconnaître autrui comme une forme d’existence indépendante et autonome par rapport à la sienne, et, plus largement, lui faire admettre que toute ne tourne pas autour d’elle et n’existe pas pour être à son service. Typique de ce genre d’illusions qui pourront éventuellement perdurer dans la vie adulte, les superstitions d’ordre religieux qu’un philosophe comme Spinoza dénonçait au XVIIème siècle: Dieu fait tomber la pluie pour arroser nos récoltes ou il envoie des fléaux pour nous punir, ou encore, suivant une autre modalité qu'on qualifiera de "masculine", les délires mégalomaniaques du tyran qu‘on retrouve à tous les échelons de la société, du père de famille qui règne en despote chez lui au dictateur psychopathe.
b) La toute puissance de la pensée ou ce que Freud appelle aussi le "pouvoir magique" de la pensée qui consiste à s’imaginer pour l’enfant que c’est par la seule puissance de son désir que le sein (ou le biberon) surgit. De là il faudra passer à un individu qui aura reconnu les limites indépassables liées à la condition humaine, et, la première de toute, celle qui fait de nous des mortels dont la croissance a nécessairement un terme. Il ne peut y avoir qu'un anthropos atteint d'un grave trouble de sa vie psychique pour s'imaginer qu'une société peut croître matériellement à l'infini.
c) La capacité à trouver le plaisir dans la représentation exprime le fait que pour l’inconscient, il n’existe d’autre principe gouvernant la formation de ses représentations que le principe de plaisir:"pour l’inconscient, la question n’est pas de transformer la réalité dont il n’a aucune connaissance, mais la représentation pour la rendre plaisante." (Castoriadis) Le rêve est l’illustration type de ce mode de fonctionnement: l’imagination créatrice faire surgir les représentations qui mettent en scène la satisfaction du désir inconscient.(qui est, à son niveau le plus fondamental suivant le dernier Freud, le désir de maintenir le degré le plus bas de tension dans la vie psychique, c’est-à-dire, en dernière analyse, préserver le sommeil par l'élaboration d'un compromis entre les exigences de la pulsion interdite et celles du surmoi punitif) Passer au stade de l’individu social, c’est intégrer un principe de réalité: c’est reconnaître que je ne peux uniquement former mes représentations pour les rendre plaisantes mais qu’il faut aussi tenir compte d’une réalité qui est ce qu’elle est indépendamment de mes souhaits: je désire la séduire mais si je ne peux pas reconnaître enfin de compte que je ne lui plaît pas c’est que je suis mûr pour un traitement psychiatrique. Je désirerais croire que je vis dans un monde où "cela tourne rond" mais je dois me rendre à l'évidence des raisons qui m'indique le contraire, etc.
d) La satisfaction immédiate du désir. L’inconscient ignore tout de la notion de l’effort nécessaire qui doit s’interposer entre le désir et sa réalisation. Dans son mode de fonctionnement, l’imagination crée immédiatement la représentation qui vient satisfaire le désir. Ici aussi, l’entrée dans la culture commence à partir du moment où l’enfant apprend à différer la satisfaction de son désir: j’ai faim mais il faut d’abord cuire les aliments et attendre qu’ils soient prêts pour être consommables. Je la désire mais je dois d’abord parvenir à la séduire. J’aimerais m’acheter telle marchandise mais il me faut d’abord économiser plutôt que de m'endetter jusqu'au cou, etc. Le test de la guimauve apporte une éclatante confirmation expérimentale de ce réquisit de la socialisation de la psyché; voyez dans le documentaire, Le cerveau et ses automatismes à 11'45:
Aperçu du processus de socialisation qui transforme la psyché en un individu social
Le processus de transformation de la psyché infantile en un individu social est-ce que nous nommons éducation. L'état primordial de la psyché d'où il faudra sortir l'enfant pour en faire un individu social correspond au concept de narcissisme tel que Freud le définit. Le narcissisme n’est pas l’égoïsme car celui-ci suppose déjà la formation d’un Moi (Ego) qui se distingue du non Moi, le monde extérieur. Or, au premier stade de la psyché infantile, cette distinction n’est pas encore élaborée ce qui correspond à un état intégralement fusionnel avec la mère, "Je suis le sein", expression du dernier Freud, qui n'est qu'un pis aller pour se représenter ce qui est irreprésentable puisque la notion d'un "Je" n'existe tout simplement pas à ce stade là. Dans la légende que rapporte Ovide, Narcisse tombe amoureux de son propre reflet dans une eau pure mais le point décisif est qu'il ne sait pas qu'il s'agit de son propre reflet: le narcissisme n'est pas tant une forme démesurée d'amour de soi qu'un état de confusion totale dans lequel n'est pas élaborée la distinction entre le Moi et le non Moi:"La leçon de l'histoire n'est pas que Narcisse tombe amoureux de lui-même mais que, incapable de reconnaître son propre reflet, il ne possède pas le concept de la différence entre lui-même et son environnement." (C. Lasch, The minimal self). C'est au moment où il prend conscience d'avoir affaire à son propre reflet que Narcisse meurt et se transforme en fleur; c'est au moment où il commence à apprendre à distinguer entre ce qui est lui et ce qui n'est pas lui, que l'enfant sort de son état initial de narcissisme pour devenir un sujet conscient de sa propre existence. L'accès à l'autonomie, au mode d'existence pour soi, à la conscience de soi, suppose de façon conjointe la reconnaissance de l'existence des autres dans leur propre autonomie et indépendance; il suppose d'avoir intégré la ligne de partage qui sépare le Moi du non Moi, mon propre monde intérieur fait d'affects, de pulsions et de représentations et le monde extérieur qui n'en dépend pas; il suppose donc d'avoir intégré l'existence de ses propres limites. Le moment où Narcisse meurt correspond, comme Freud en avait fait la remarque, au moment décisif où le sein (ou le biberon) ne surgit plus quand l’enfant crie pour l’obtenir. Il commence alors à reconnaître qu’il n’est pas le maître du sein, que celui-ci appartient à quelqu’un d’autre qui ne se confond pas avec sa propre existence. Intervient ainsi l’amorce de la séparation décisive entre le Moi et le non Moi . Séparation ô combien douloureuse car elle rompt définitivement avec l’état de béatitude initiale que constituait le rapport intégralement fusionnel à la mère.
On voit, de ce point de vue combien l’éducation censée être progressiste a pu faire les plus énormes contresens sur la théorie psychanalytique lorsque, en prétendant invoquer sa caution intellectuelle, "vers la fin des années 1930 et dans les années 1940 […] on se mit à donner le sein ou le biberon lorsque le bébé le demandait, et non plus selon un horaire fixe…" (C. Lasch, La culture du narcissisme) En ce sens, toute éducation, même dans ses formes les moins répressives, sera amenée, d’une façon ou d’une autre, a faire subir une violence à la psyché infantile pour lui permettre d’échapper à la psychose, c’est-à-dire à un état d’enfermement complet sur elle-même. C’est-ce qui constitue le nécessaire et originel refoulement du désir primitif de type incestueux de retourner à un état fusionnel avec la mère. C’est-ce qui constitue aussi le manque inaugural qui définit notre condition d’anthropos avec lequel il nous faudra apprendre à vivre tant bien que mal. C'est à partir de là que l'on pourrait comprendre pourquoi "il n'existe pas de culture qui ne considère l'état social comme un mal (...) Qu'il s'agisse des Aborigènes d'Australie ou des Toubou du centre du Sahara, la question est pareille: comment passer de l'enfance à l'âge adulte? Ce passage est toujours ressenti comme une extrême douleur, un déchirement..." (Richir, L'erreur de Cook, p. 333) De ce point de vue, le narcissisme secondaire traduit le phantasme ultérieur de l'adulte le poussant à rechercher à reconstituer de façon régressive, c'est-à-dire par la voie la plus courte possible, (la consommation frénétique de drogues ou le conformisme le plus moutonnier entre autres exemples) cet état primordial d'indifférenciation où "je suis le tout".
C’est, d’autre part, une caractéristique fondamentale et étrange de l’anthropos que la rupture du lien fusionnel avec la mère ne peut être menée à son terme sans l’intervention d’un tiers séparateur, ce qui constitue précisément le sens de la fonction paternelle quasi inconnue dans le monde animal. Voyons comment s’opère la rupture entre une chienne et ses chiots: vers deux mois, le moment du sevrage venu, la mère rejette désormais sans ménagement le chiot qui voudrait continuer à s’allaiter. La rupture se fait naturellement et c’est la mère qui coupe d’elle-même le lien. Chez l’humain, rien de tel: c’est au tiers séparateur que revient de rompre définitivement le lien par la position de l’interdit de l’inceste qui est, comme les travaux de Lévi Strauss l’ont mis en évidence, un invariant anthropologique qui va des sociétés les plus primitives aux plus modernes. Partant de là, comme le pense Rieff, on peut se risquer à voir le noyau de toute culture comme étant constitué d’un ensemble d’interdits:"De son point de vue, le coeur de toute culture réside dans ses interdictions [...] Voilà pourquoi il y a du sens à décrire les Etats-Unis aujourd'hui comme une société sans culture..." (C. Lasch, La révolte des élites) On peut en tirer que partout où la fonction paternelle édictant les interdits tendra à s'affaiblir, pour une raison ou une autre, la rupture du lien fusionnel à la mère aura du mal à s'opérer et le processus de transformation de la psyché infantile en un individu social aura tendance à s'enrayer ce qui nous donne, au passage, un petit aperçu de la crise anthropologique des sociétés modernes!
Reformulation du sens de la question de la crise anthropologique des sociétés modernes
Le sens de la question de la crise anthropologique des sociétés modernes peut, à partir de là, être reformulé de la façon la plus précise qui soit: non pas "quel monde allons-nous laisser à nos enfants?" (Question de la crise écologique), mais, «à quels enfants allons-nous laisser le monde?» (J. Semprun) Si la première question tend à cacher la seconde dans l'espace public, elle n'en est pas moins encore plus fondamentale puisque notre capacité à l'affronter et la traiter conditionnera l'issu que nous pourrons trouver à la première question. En dérouler le fil revient à chercher ce qui dans l’évolution des sociétés modernes favorise dans des proportions inquiétantes la régression de la psyché vers un stade infantile de développement tel que nous l‘avons caractérisé suivant l‘ensemble de ses quatre traits de caractère? Autrement dit, qu'est-ce qui fait que la culture actuelle tend à se développer comme une culture du narcissisme? Voir le penseur américain, incontournable sur cette question, C. Lasch, La culture du narcissisme, et aussi cette intervention de D.R. Dufour qui va dans le même sens:
Question qui ouvre donc un champ d'investigation immense et décisif à explorer pour celui qui veut oeuvrer à l'édification d'un monde meilleur ( un aperçu en est donné ici et là)...
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