dimanche 3 février 2013

Quel est le pouvoir des mots?

"Il faut toujours mettre autour des actions une confiture de paroles." (Napoléon) 

"Quand il y a un fossé entre les objectifs réels et les objectifs déclarés, on a presque instinctivement recourt aux mots interminables et aux locutions râbachées, à la manière d'une seiche qui projette son encre." (G. Orwell)



Introduction
Il est courant d'entendre des expressions comme," ce ne sont que des mots", "au lieu de parler, il ferait mieux d'agir" etc. Ce qu'elles ont en commun, c’est la croyance implicite que les mots ne sont pas importants et qu'ils n'ont pas de réel pouvoir; on oppose ainsi l'ordre théorique du langage qui importerait finalement peu à l'ordre pratique de l'action qui seul compterait vraiment. Mais quelle est la consistance de cette opinion commune? N'a-t-elle pas une compréhension du langage et de ce qui est en jeu en lui infiniment trop superficielle? Si les mots étaient si peu importants, comment pourrait-on comprendre ce qu'une écrivain comme Dinesen a à nous dire lorsqu'elle déclare que ""tous les chagrins du monde sont supportables si on en fait un conte ou si on les raconte"?  Comment expliquer alors qu'un pouvoir aura toujours besoin d'exercer un contrôle sur la langue pratiquée dans la société? Comment expliquer que"les mots peuvent être comme de minuscules doses d'arsenic: on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu'après quelque temps l'effet toxique se fait sentir."  (V. Klemperer, LTI La langue du IIIème Reich, p. 40)? Les mots ne sont-ils pas , au contraire, au cœur d'enjeux anthropologique concernant notre humanisation,  et politique, concernant les rapports de pouvoir au sein d'une société, absolument fondamentaux? Autrement dit, y-a-t-il vraiment lieu d'opposer l'action aux mots? Parler n'est-ce pas une façon d'agir et donc d'exercer des effets, soit, avoir du pouvoir?
Démarche pour traiter le problème:
Comme pour tous les sujets qui n'appellent pas une réponse par oui/non, pensez, si vous avez du mal à définir une démarche pour traiter le problème,  à distinguer différents niveaux d'analyse; ici, je traiterai d'abord la question sur un plan psychologique et anthropologique en montrant l'importance de l'acquisition du langage dans la transformation de la psyché humaine en un  individu apte à vivre en société et à accéder aux formes supérieures de la culture. Puis, je reposerai la question sur un plan social et politique en montrant que les mots constituent un instrument de domination qui peut devenir totale dans le cadre d'un ordre totalitaire. D'où finalement la nécessité de repenser le langage de façon critique ce qui est une des tâches les plus importantes pour faire valoir la libre pensée.