mardi 7 décembre 2010

Sigmund Freud, L'avenir d'une illusion

Ce fondement rationnel de l’interdit du meurtre, nous ne le communiquons pas, mais nous affirmons que c’est Dieu qui a édicté l’interdit […] En procédant ainsi, nous revêtons l’interdit culturel d’une solennité toute particulière, non sans risquer par là de faire dépendre son observance de la croyance en Dieu. Si nous revenons sur cette démarche, n’imputant plus notre volonté à Dieu et nous contentant de fonder socialement l’interdit culturel, nous avons certes renoncé à le transfigurer, mais nous avons,du même coup, évité de le mettre en danger. Mais nous gagnons aussi autre chose. Par une sorte de diffusion ou d’infection, ce caractère du sacré, de l’inviolable, de l’au-delà, pourrait-on dire, propre à quelques rares grands interdits, s’est étendu à tous les autres dispositifs, lois et décrets culturels. Mais ces derniers, bien souvent, portent mal l’auréole du sacré, non seulement parce qu’ils se dévaluent eux-mêmes mutuellement en prenant des décisions opposées en fonction du temps et du lieu, mais aussi parce qu’ils arborent par ailleurs tous les signes de la déficience humaine.[…] Il y aurait un avantage indubitable à laisser Dieu tout à fait hors jeu et à admettre honnêtement l’origine purement humaine de tous les dispositifs et prescriptions culturels. En même temps que le caractère sacré revendiqué par les commandements et lois, tomberaient aussi leur rigidité et leur immutabilité. Les hommes pourraient comprendre que ceux-ci sont créés non pas tant pour les dominer que bien plutôt pour servir leurs intérêts, ils établiraient avec eux un rapport plus amical, se fixeraient pour but au lieu de les abolir, de seulement les améliorer.

Sigmund Freud, L’avenir d’une illusion (1927)

La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise. Il faut et il suffit que l'explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.


Introduction.
L'essentiel d'une introduction doit contenir:
a)Le thème du texte= la question de fond dont traite le texte qui peut être formulée sous la forme d'un sujet de dissertation.
b)La thèse du texte qui pourra être débattue, approfondie.
c)La problématique pour expliquer de façon ordonnée le texte et traiter le problème qu'il pose.
Exemple.
(Thème) Que vaut-il mieux? Que les hommes croient en l'origine divine des lois qu'une société se donne? L'illusion qui consisterait à croire faussement en cette origine divine ne serait-elle pas nécessaire pour asseoir l'autorité des lois? Ou alors vaut-il mieux des hommes lucides qui reconnaissent l'origine purement humaine de ces lois? (Thèse) Le propos de Freud est de dire que les hommes ont tout intérêt à se défaire des croyances religieuses pour admettre leur origine purement sociale. (Problématique) D'où les deux questions que nous traiterons dans l'ordre: primo, pourquoi y-a-t-il beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages à croire en l'origine divine des lois? c'est l'objet de la première partie du texte (l. 1 à 16). Secundo, que gagnons-nous à admettre l'origine purement humaine des interdits de la culture? c'est l'objet de la seconde partie du texte (l. 16 à la fin).
(Jusque là je ne fais que construire de façon ordonnée le cadre de mon explication du texte. Il faut enfin, pour faire un travail qui sortira du lot, que je fasse ressortir dans une dernière partie le problème que mon travail d'explication a fini par soulever. Celui-ci n'apparaît pas toujours immédiatement mais seulement à mesure que je développe mon explication. D'où, le conseil de ne rédiger l'introduction, qu'une fois rédigé le développement, pour être sûr qu'elle concorde avec ce que j'ai développé )
Fin de la problématique: Enfin, si nous y réfléchissons bien, il apparaît que le propos de Freud s'inscrit dans une très longue tradition qui remonte à l'invention grecque de la politique et du débat démocratique et qui vise à l'institution d'une société pleinement autonome= société qui a reconnu l'origine purement humaine des lois et qui se donne pour projet de faire participer tous ses membres à leur élaboration/discussion/vote=projet de la démocratie= à comprendre par opposition aux formes hétéronomes de société. Certes, nous ne croyons plus guère dans l'origine divine des lois culturelles. Est-ce pour autant que notre société est devenue pleinement autonome? Et sinon, qu'est-ce qui nous empêche aujourd'hui d'entretenir avec les lois ce "rapport plus amical" que le texte de Freud semble appeler de ses vœux?

mardi 30 novembre 2010

Le capitalisme

Castoriadis prétendait que la civilisation occidentale est porteuse de deux significations majeures: d’une part, le projet politique d’autonomie hérité de la civilisation grecque et de l’invention de la démocratie: cette signification porte en elle l’espérance d’une société d’hommes libres. Mais d’autre part, elle est aussi porteuse d’un projet qui noue avec le précédent des relations complexes, projet qui est celui du capitalisme: complexes, car en même temps qu'ils sont profondément contradictoires dans leurs principes respectifs, ils n'ont pourtant cessé de se contaminer l'un et l'autre. On peut, de ce fait, se risquer à définir les sociétés occidentales comme des formes de compromis instables et problématiques entre ces deux grands projets fondateurs de notre être social-historique.

mardi 16 novembre 2010

La révolte peut-elle être un droit?

Mise à jour, 13-03-2020


 « Chercher la vérité au-delà de toute vérité de classe ou de race […] prendre appui sur les fondements de la justice, quitte à se méfier de la loi, pour ne s’incliner que devant l’autorité de la bonté et de la vérité, et se retourner contre toute fausse autorité qui repose sur un succès corrompu et l’étalage de la puissance […] Se battre pour la justice, même contre la loi, et élever un autel à l’autorité des héros de la bonté et de la vérité sur les ruines de l’autorité des conventions, du cynisme, de l’ignorance et de la léthargie de l’âme. » (Karl Polanyi)

Introduction
La révolte peut-elle être un droit que nous reconnait la loi instituée? A première vue, non, cela semblerait absurde: la loi ne peut autoriser quelqu’un à la renverser par des moyens qui sont illégaux, que ne reconnait pas la loi elle-même. Le droit dans « droit à la révolte » est à entendre au sens d’un pouvoir que nous confère la loi instituée. Quand on a affaire avec la notion de droit, il faut toujours commencer par distinguer entre son sens large et étroit.
Au sens large du droit= la loi instituée, la législation en vigueur dans un Etat.
Au sens étroit du droit= le pouvoir que m’accorde cette loi.
Or, la révolte est donc une tentative pour renverser la loi instituée par des moyens que la loi elle-même n’autorise pas: se révolter, par définition, c’est se placer dans l’illégalité. Parler d’un droit à la révolte voudrait alors dire que les lois en vigueur autoriseraient qu’on les nie et les détruise par des moyens qu'elles n'autorisent pas. Il semble y avoir là une contradiction complète dans les termes: une loi qui donnerait le pouvoir qu’on la foule aux pieds cesserait d’être une loi. Cela reviendrait à dire pour le législateur: voilà ce que dit la législation sur les impôts, mais libre à vous de l'enfreindre si vous l’estimez ainsi. Il semblerait donc que la notion d'un droit à la révolte est inconsistante et doit être abandonnée. Mais, la question ne peut être résolue aussi rapidement: l’histoire est là pour nous montrer que la loi peut être manifestement injuste et bien pire encore, criminelle, voir, purement et simplement inhumaine comme les lois sur la ségrégation raciale. Il faut manifestement distinguer le légal, ce que dit la loi instituée, ce qu'on appelle aussi, dans la philosophie du droit, le droit positif, de ce que l'on peut considérer comme légitime, ce qui est conforme à des principes universels de justice, ce que la philosophie moderne du droit appellera aussi le droit naturel. Un autre exemple type, qui fait apparaître clairement la nécessité de faire cette distinction, c’est le fonctionnaire de la bureaucratie nazie qui se retrouve devant l’obligation légale d’appliquer des lois inhumaines que sa conscience réprouve, par exemple, d'envoyer des déportés vers les camps d'extermination: dans ce cas, n’est-ce pas devenu un droit pour lui de se révolter? Et, allons même plus loin: n'est-ce pas aussi un devoir? Sous quelles conditions précises, dès lors, peut-on légitimer (estimer juste), un droit à la révolte?
Le plan d’inspiration dialectique (thèse-antithèse-synthèse) était ici le plus commode à mettre en œuvre.

mercredi 3 novembre 2010

Une société juste est-elle compatible avec l'existence d'inégalités?

Introduction.
Partant de l’analyse du sujet, exposer le problème que soulève la question.
Exemple.
L'idéal démocratique de justice tel que les grecs l'ont inventé il y a plus de 2500 ans est fondamentalement un idéal d'égalité politique qu'il semble difficile de concilier avec l'existence d'inégalités dans nos sociétés: inégalités qui sont donc d'abord à penser sur le plan du partage du pouvoir politique dans ses trois dimensions, législative, judiciaire et exécutive, aujourd'hui réservé à une élite spécialement formée pour cela. Mais ces inégalités quant au partage du pouvoir politique sont elles-mêmes conditionnées tant par des inégalités économiques dans la distribution des richesses que par des inégalités sur le plan culturel; on pensera ici à l'inégalité flagrante des chances qu'engendre notre système éducatif pour accéder à un savoir permettant de se former des opinions éclairées sur les sujets politiques importants. Cependant, il a souvent été reproché à l'idéal égalitaire de société de générer ,lui aussi, une forme d'injustice: est-il juste de donner le même salaire quelque soit l'effort respectif de chacun ? Est-il juste d'accorder sur le plan politique la même valeur à la voix du sage qu'à celle de l'ignorant?
Je pose ainsi mon problème de façon à montrer que la question se pose à un triple niveau: politique, culturel et économique .
Je pouvais ainsi suivre un plan par analyse de niveaux pour traiter le sujet sous tous ses aspects.

lundi 1 novembre 2010

4) Notes à partir d'une conférence de B. Friot sur l'enjeu des retraites: imaginer une alternative au projet gouvernemental (suite et fin)

On peut visionner ici les extraits:

http://www.dailymotion.com/video/xdssnp_retraites-bernard-friot-7eme-partie_news

http://www.dailymotion.com/video/xdstui_retraites-bernard-friot-8eme-partie_news




La cotisation sociale
C’est la deuxième institution qui peut nous servir de tremplin pour transformer la société en un sens progressiste et révolutionnaire. La question qui se pose une fois qu’on veut faire du salaire la contrepartie d’une qualification et non plus d’un emploi, c’est de savoir comment cela va se financer?
La cotisation sociale nous donne la réponse: il suffit d’en étendre l’application.
Pour en comprendre le principe, il faut partir de ce qu’est aujourd'hui le salaire. Il se décompose en deux parties: le salaire direct qui m’est versé et qui correspond au salaire net: c’est 55% du salaire complet. Les autres 45 %, c’est le salaire indirect qui est compris dans le salaire brut; cette partie des salaires part dans une caisse commune et est ensuite redistribuée à chacun sous forme d’allocations diverses par cette institution qu‘on appelle la sécurité sociale (retraites, allocations chômage, familiales, maladie, congé maternité, etc.) C'est la part du salaire qui est mutualisée.
Ce qu’il importe de voir, c’est que d’un côté, le salaire direct renvoie à la logique de l’emploi: c’est la part du salaire qui rémunère l’emploi que j’occupe. Le salaire indirect renvoie, au contraire, à la logique de la qualification: ce qui m’est versé comme salaire indirect n’est plus lié à un emploi que j’occupe mais à ma qualification: c’est ce que la sécurité sociale verse aux chômeurs, retraités, femmes en congé maternité etc. aux gens qui ne sont pas en situation d‘être employés.

mercredi 20 octobre 2010

3) Notes à partir d'une conférence de B. Friot sur l'enjeu des retraites: imaginer une alternative au projet gouvernemental

Pour visonner les extraits:

http://www.dailymotion.com/video/xdrf9t_intervention-bernard-friot-5eme-par_news

http://www.dailymotion.com/video/xdsmnz_intervention-bernard-friot-6-eme-pa_news


2)Etre capable d’imaginer une alternative progressiste au projet gouvernemental
Comme le dit bien Friot, si nous ne sommes pas capables d’imaginer une alternative progressiste au projet gouvernemental, c’est-à-dire, imaginer une alternative qui reprenne le fil du progrès social qui s’est enrayé depuis la fin des années 1970, l’opposition à la réforme risque de nous entraîner vers quelque chose de pire encore car il ne restera  aux gens qu‘à ruminer leur amertume.
Un des arguments souvent relayé par la propagande des réformateurs consiste à faire croire que les opposants à la réforme n’ont rien de concret à proposer à la place ce qui est totalement faux pour peu qu’on prenne le temps de s’informer en dehors du cadre des médias de masse qui n‘offrent pas l‘espace d‘expression nécessaire pour faire entendre ces alternatives.


vendredi 15 octobre 2010

2) Notes à partir d'une conférence de B. Friot sur l'enjeu des retraites: critique de l'enfumage gouvernemental (suite)

Pour visionner l'extrait de la conférence

http://www.dailymotion.com/video/xdrelu_retraites-bernard-friot-4eme-partie_news

1) critique de la réforme gouvernementale (suite): P.I.B, travail, et activité
Quand on parle en ces termes, comme le fait la propagande gouvernementale:
« En 1960 il y avait quatre actifs pour un retraité
En 2010 il y a 2 actifs pour un retraité
En 2050 il y aura un actif pour un retraité
Donc il y a un problème »
On raconte des balivernes et voici pourquoi.
Ce que les réformateurs passent sciemment sous silence, c’est le fait que le C.O.R (le conseil d’orientation des retraites) lui-même prévoit pour l’horizon 2050 un doublement du P.I.B; cela signifie très concrètement que le gâteau à partager entre tous sera deux fois plus gros qu’il ne l’est maintenant ce qui atténue considérablement la portée de l’argument démographique des réformateurs; dire qu’ en 2050, il n’y aura plus qu’un retraité pour un actif et que donc les actifs devront faire deux fois plus d’effort pour alimenter les caisses de retraites est aussi stupide que de dire: en 1900 la population comptait 30% d’agriculteurs; il n’y en a plus aujourd’hui que 3%, donc il n’y a plus assez d’agriculteurs pour nourrir la population donc nous allons, dans l’année qui vient mourir de faim si les agriculteurs ne travaillent pas dix fois plus! Le raisonnement est faussé car il n’intègre pas le fait qu’aujourd’hui, grâce aux gains de productivité (= pour le même temps de travail on produit plus), 3% d’agriculteurs produisent plus que 30% d’agriculteurs en 1900. (1)

jeudi 14 octobre 2010

1) Notes à partir d'une conférence de B. Friot sur l'enjeu des retraites: critique de l'enfumage gouvernemental

Pour visionner la conférence.

1ère partie
http://www.dailymotion.com/video/xdqz53_retraites-bernard-friot-1ere-partie_news

2ème partie
http://www.dailymotion.com/video/xdr8dg_retraites-bernard-friot-2eme-partie_news

3ème partie
http://www.dailymotion.com/video/xdrebi_retraites-bernard-friot-3eme-partie_news


Cette conférence de Friot peut s’articuler en deux moments: d’abord la critique de la réforme gouvernementale en dénonçant les mensonges sur lesquels elle s'appuie et son but inavoué et inavouable.
Dans un deuxième temps, quelle alternative concrète et progressiste peut-on proposer au projet gouvernemental. L’alternative que dégage Friot se veut révolutionnaire ( dépasser l'organisation capitaliste du travail et des échanges) et non plus réformiste (aménager le système existant).
La société est-elle prête à s’engager dans un projet révolutionnaire? La question est indécidable; ou plutôt, il reviendra à la population d'en décider.
Notez cependant que Friot distingue bien entre sa perspective révolutionnaire et ce que serait une perspective utopiste.
Projet utopique= projet qui voudrait faire table rase du passé et construire quelque chose d’entièrement nouveau= chimère qui conduit aisément au délire totalitaire (cf. le bolchévisme)
Projet révolutionnaire= projet qui prend appui sur des institutions existantes de la société qui ont déjà un caractère révolutionnaire pour s’en servir de tremplin pour transformer la société. Friot vise ici, en particulier, la cotisation sociale qui permet déjà aujourd’hui de ne plus lier une partie du salaire à l’exercice d’un emploi.
 

lundi 27 septembre 2010

Comparaison démocratie moderne/grecque d'après Cornelius Castoriadis

Tiré de Le "germe grec" de l'autonomie démocratique chez Cornelius Castoriadis par S. Vibert, pp. 26-27


I 12 points de comparaison à l'avantage de la démocratie grecque.

1) Démocratie directe et populaire (contre représentation élective de type oligarchique).
2) Participation du corps politique aux affaires communes (contre existence d’un État bureaucratique qui multiplie des normes arbitraires et incompréhensibles).
3) Reconnaissance de la fonction de gouvernement (contre règne de l’expertise et de la « gouvernance »).
4) Reconnaissance de la collectivité comme source de l’institution politique (contre naturalisme ou historicisme implicite des modernes).
5) Pratiques d’autolimitation (contre « illusion constitutionnelle » et
fausse séparation des pouvoirs);
6) Identification à la loi et à la cité (contre séparation entre État et société civile).
7) Compréhension de l’origine sociale de l’individu (contre leurre d’un
individu-substance aux sources du contractualisme moderne).
8) Visée du bien commun et de la formation d’individus éclairés (contre défense des intérêts et des droits particularistes).
9) Ethos de franchise « brutale » (contre « duplicité instituée et idéologie »).
10) Idéal de vertu civique (contre poursuite du bonheur privé);
11) Reconnaissance de la mortalité comme élément central de la condition humaine (contre fantasme moderne d’immortalité)
12) Appréhension de l’être comme chaos (contre « ontologie unitaire, donc presque fatalement théologique )

II 3 points de comparaison à l'avantage des modernes.

13) Limitation de la participation civique aux adultes libres mâles, par exclusion totale des femmes, des esclaves et des étrangers (contre extension de la citoyennenté à toutes les classes de la société, étrangers exclus cependant)
14) Limitation de l’activité politique instituante « en dehors du domaine strictement politique »,
par exemple concernant les institutions de la propriété, de la famille ou de l'esclavage ( contre extension de l'activité politique à l'ensemble des institutions de la société)
15) Sur le plan externe la « limitation insurmontable de l’activité politique et démocratique  à la polis ( contre  « le grand apport des Temps modernes », qui est « que nous voulons la démocratie pour tous » à l'échelle planétaire).


Et, pour compléter, on peut se référer à cet interview de Castoriadis par C. Marker tiré du documentaire, L'héritage de la chouette à cette adresse: https://vimeo.com/128666476



lundi 13 septembre 2010

Méthode de la dissertation 1) Les principes: problématiser, conceptualiser, argumenter

1)Les principes de la dissertation:; problématiser, conceptualiser, argumenter.
a) Le sens de l’exercice de dissertation
En dehors de la question d’une épreuve de notation individuelle qui reste très discutable (cf.
le sketch de Lepage sur le système de la notation individuelle), on peut légitimement présenter l’exercice de dissertation comme un apprentissage du débat démocratique et, en ce sens, comme un élément important de l’apprentissage d’une culture politique.

samedi 5 juin 2010

Le germe grec de la démocratie et sa critique

Mise à jour, 31-05-20

Introduction.
1) Comprendre d'abord le sens de ce que les grecs ont inventé sous le nom de "démocratie"; il apparaîtra alors qu'un abîme sépare la démocratie antique et les "démocraties" modernes à tel point qu'il est légitime de demander si ces dernières méritent leur qualificatif de "démocratique".

jeudi 13 mai 2010

Aristote, de la démocratie

" Certains sont d'avis qu'il est contre nature qu'un seul homme soit le maître absolu de tous les citoyens, là où la cité est composée d'hommes semblables entre eux: car, disent-ils, les êtres semblables en nature doivent,en vertu d'une nécessité elle-même naturelle, posséder les mêmes droits et la même valeur; ils en tirent cette conséquence que s'il est vrai qu'une répartition égale de nourriture et de vêtements entre des personnes inégales est une chose nuisible aux corps, ainsi en est-il aussi au sujet de la distribution des honneurs; et par suite il en est de même quand les personnes égales reçoivent un traitement inégal, et ce serait là précisément la raison pour laquelle il est juste que nul ne commande plus qu'il n'obéit, et qu'ainsi chaque citoyen soit appelé à tour de rôle à commander et à obéir, alternance qui n'est dès lors rien d'autre qu'une loi, puisque l'ordre est une loi."
Aristote.

Introduction.
a)Thème.
Le thème est ici essentiellement de nature politique:quel est l'ordre d'une cité juste?
b)Thèse.
Il est essentiel de noter à ce sujet que tout au long de son texte, Aristote expose une conception qui ne provient pas de lui-même. "Certains sont d'avis..."
Ce qu'il expose ici c'est la conception démocratique du pouvoir politique dans laquelle chaque citoyen est appelé,tour à tour, à être gouvernant et gouverné en vertu d'un principe d'égalité qui veut que chaque citoyen a une égale capacité à gouverner.
Noter enfin que rien ne donne à penser dans ce texte qu'il la critique à un moment ou à un autre.
c)Ordre logique du texte.
La justification de l'idéal démocratique d'alternance dans le partage du pouvoir se fait par réfutation dans un premier temps du régime politique de type despotique où un seul concentre sur lui tout le pouvoir:"il est contre nature qu'un seul homme ...".
Il tire ensuite la conséquence qu'implique l'argument avancé pour réfuter le despotisme,conséquence qui met en jeu deux formes possibles d'injustice: donner des parts égales à des individus inégaux ou donner des parts inégales à des individus égaux (ce dernier cas étant celui d'un régime despotique
où le despote se réserve tout le pouvoir dans la cité).
On en tire finalement l'implication essentielle dans un troisième temps:l'égalité entre citoyens justifie le partage égal du pouvoir politique suivant un principe de rotation rapide des postes de gouvernement entre citoyens.

mercredi 28 avril 2010

Séries techniques, Bergson: la critique du machinisme

Mise à jour, 25-08-20

Quand on fait le procès du machinisme, on néglige le grief essentiel. On l'accuse d'abord de réduire l'ouvrier à l'état de machine, ensuite d'aboutir à une uniformité de production qui choque le sens artistique. Mais si la machine procure à l'ouvrier un plus grand nombre d'heures de repos, et si l'ouvrier emploie ce supplément de loisir  à autre chose qu'aux prétendus amusements qu'un industrialisme mal dirigé a mis à la portée de tous, il donnera à son intelligence le développement qu'il aura choisi... Pour ce qui est de l'uniformité du produit,l'inconvénient en serait négligeable si l'économie de temps et de travail réalisée ainsi par l'ensemble de la nation permettait de pousser plus loin la culture intellectuelle et le développement de la vraie originalité.
Henri Bergson

1) Dégager l'idée générale du texte et les étapes de son argumentation.
Ici ce que Bergson veut exposer c'est l'idée qu'on se trompe de cible quand on fait habituellement la critique du machinisme, c'est-à-dire l'introduction des machines dans la production: les inconvénients qu'il présente et qu'on critique généralement pourraient être compensés par un gain plus grand encore si l'accroissement du temps libre pour tous qu'il permet était utilisé intelligemment. Que cela ne soit pas le cas, que ce temps libre est occupé principalement "aux prétendus amusements qu'un industrialisme mal dirigé a mis à la portée de tous", voilà ce qui pose problème à Bergson.
Les étapes de l'argumentation:
Il y en a deux qui correspondent aux points sur lesquels a porté habituellement la critique du machinisme pour montrer, à chaque fois, qu'il se tromperait de cible.
- étape 1
Premier reproche fait communément au machinisme, c'est de "réduire l'ouvrier à l'état de machine". C'est ce qu'on a appelé la prolétarisation de l'ouvrier. Il faut bien voir que les machines ont transformé de fond en comble la nature du travail. Alors que l'ouvrier-artisan était maître de ses outils, le travail du prolétaire dans l'usine tend à devenir purement mécanique pour s'adapter au rythme des machines. Il perd de cette façon ses savoirs faire traditionnels. Mais cette perte pourrait être compensée par un gain plus grand si l'économie de temps réalisée était exploitée pour développer d'autres savoirs qu'il lui reviendrait librement de choisir:" il donnera à son intelligence le développement qu'il aura choisi", dit le texte. Précisément, on peut penser à ce type de savoir théorique qu'ont développé les sciences et la philosophie alors que, jusque là, elles n'étaient accessibles qu'à une classe de privilégiés qui faisaient travailler les autres à sa place.

Etape 2
Le deuxième reproche qui a été traditionnellement fait au machinisme correspond à ce que l'on a appelé la critique artiste. Comme son l'indique, elle est venue prioritairement des milieux d'artistes. C'est ce que le texte a en vue quand il évoque l'"uniformité de production qui choque le sens artistique." En réalité, cette critique a aussi été très largement partagée par les milieux de l'artisanat. Dans la production du Moyen-Age, le travail artisanal avait toujours aussi, en même temps, une visée artiste, ce qui se reconnaît au fait que le mot même "artisanat" renferme la racine "art". Ici aussi, à suivre l'auteur, cette critique manquerait l'essentiel en oubliant que la dégradation de la valeur artiste de la production, sous l'empire du machinisme et de la production en série qui l'accompagne, pourrait être compensée par un gain supérieur si le temps libre gagné permettait le développement de la créativité des ouvriers. Là encore le texte met en avant "la culture intellectuelle" et l'élément proprement artiste, "la vraie originalité" qui fait  la valeur des oeuvres d'art. Tout le problème, c'est que l'industrie du divertissement a complètement détourné ce temps libre pour son plus grand profit, en réussissant à capter l'attention des gens. Et encore, Bergson n'a pas connu (il est mort en 1941) la télévision et tous les autres dispositifs technologiques actuels qui ont considérablement accru l'ampleur du phénomène.